Extrasystoles

est mon journal de résidence à la Factorie, Maison de la Poésie de Normandie, en janvier 2022. Il y est question de mes camarades de résidence (Anna, Catherine, Emanuel et Maud) ainsi que d’une peine de cœur classique mais surtout de ma rencontre avec un sanglier mécontent et de la manière dont cette rencontre a commencé à modifier mon regard sur le monde, particulièrement sur la dichotomie civilisation/sauvagerie et sur ma place incertaine entre celles-ci – ces modifications sont toujours en cours, c’est une lente tectonique mentale (la suite en octobre, je n’en dis pas plus pour l’instant parce que je ne suis pas sûre d’y être autorisée). Ce tout petit recueil est l’un des trois premiers titres, parus simultanément, de la bien nommée collection Lune de Poche, des Carnets du Dessert de Lune. Je le présenterai en mai à la Comédie du Livre, à Montpellier, puis en juin au Marché de la Poésie à Paris. Il sera également disponible sur le stand de l’éditeur au salon du 1er Mai à Arras, mais sans moi, qui ai patinoire ce jour-là.

Je mettrai bientôt en ligne dans le menu consacré à mes publications une présentation plus complète de ce petit livre, avec des photos et de la musique, comme toujours – ou presque : j’ai maintenant trois livres de retard et vous n’imaginez pas ma boîte mail.

EP 64-63 dans The Quietus

Merci à Jennifer Lucy Allan pour la première chronique de notre première parution – dommage qu’elle n’ait pas profité de cette occasion rêvée pour annoncer la naissance d’un label de musique expérimentale 100% féminin (le premier au monde, quand même – sauf erreur). Surtout un label qui publie une cassette boss level

Le lancement officiel de la cassette se fera la semaine prochaine à Londres, à New River Studios. Merci à Karolina pour ces superbes affiches

EP63/Ondata Rossa

Demain, nous fêterons l’anniversaire de Valentina et la première publication de Permanent Draft, qui voit réunies quatre musiciennes incroyables :

Dali de Saint Paul (Harrga, Viridian Ensemble, EP/64, etc.) est une vocaliste expérimentale qui multiplie les projets dans de nombreux registres ; elle y explore toutes les potentialités de la voix avec une intensité rare. Compositrice électroacousticienne et violoniste, Agathe Max (Abstract Concrete, KURO, Mésange, These Towns, etc.) travaille les textures et creuse une voie singulière à travers de nombreuses collaborations. Yoshino Shigihara (Yama Warashi) nourrit sa pop psychédélique atypique, à la fois tendre et engagée, de la folk et des danses rituelles japonaises, de free jazz et de musiques du monde. Valentina Magaletti (Vanishing Twin, Holy Tongue, Moin, CZN, Better Corners, Avvitagalli, V/Z, etc.) est une percussionniste qui s’illustre dans un large spectre de musiques expérimentales, des plus subtiles aux plus vitaminées, jouant aussi bien dans des grandes salles que dans des musées.

La rencontre à New River Studios de ces quatre musiciennes inventives rompues à l’improvisation allait être mémorable. Nous la devons au projet EP/64 de Dali, qu’elle décrit comme une invitation, lancée à ses ami.e.s musicien.ne.s, à célébrer la liberté et la joie d’être ensemble à travers la musique. Le projet, a-t-elle décidé, s’arrêtera après la soixante-quatrième performance. Intitulée EP 63 / Ondata Rossa, cette cassette veut donc conserver une trace de l’avant-dernière improvisation collective dans le cadre de ce projet à la fois ambitieux et généreux.

Dali : « About Ondata Rossa – red wave/tide. The title came to me after a jam and chat with Joanna Pucci, years ago. We were talking about the sometime overwhelming effect of period on some women, and being also political, it could be the surge of new ideas and actions, we urgently need to reinvent the world, life together. (…) Ondata Rossa est un titre assez adapté je crois à notre impro ce jour-là comme certains spectateurs me l’ont dit : ils ont eu l’impression d’être submergés par notre son et que c’était bénéfique, revigorant ».

En effet, si les univers des unes et des autres ont parfois des échos mélancoliques et sombres, la puissance générée par leur intersection est une force vive et lumineuse, par quelque étrange alchimie. Elle s’est aussi accompagnée sur scène d’un déferlement de couleurs et de formes. Laura Phillips, artiste visuelle, projetait en direct des images filmées qu’elle mêlait aux formes issues de sa propre collection, oscillant entre abstraction et figuration. Les deux images en faces A et B de la cassette sont issues de la performance et donnent un aperçu de son univers visuel.

Permanent Draft est heureuse et fière que cet étonnant EP 63 soit son DRAFT 1.

*

Merci à Karolina, notre formidable graphiste, qui a donné forme aux idées que nous avions émises en décembre, notamment à mon envie d’un boîtier en carton et d’une carte de style marabout pour les crédits. Finalement, le boîtier nous est parvenu en carton blanc plutôt que kraft et nous allions en pleurer quand l’inextinguible enthousiasme de Dali nous a remises d’aplomb. Le 26 avril, un concert de lancement aura lieu à New River Studios avec le quartet au grand complet, venez venez…

Montreuil

hier soir, j’ai parlé de L’Évaporée à l’invitation de la revue féministe La Déferlante, où mon éditrice me ferait la surprise d’être présente (comme elle l’est toujours, en fait) et où ma principale interlocutrice s’avèrerait être la sœur de la personne à qui je dois d’avoir un jour rencontré, à la Roche-sur-Yon, la véritable évaporée de mon réel

soit un sacré vertige de sororités diverses

merci à Nora Bouazzouni, qui modérait la rencontre et que j’ai eu grand plaisir à rencontrer ; merci au festival Hors Limites, à la revue La Déferlante, à la médiathèque de Montreuil, à la librairie Folies d’Encre, au public évidemment, et merci à Charlène Yves pour les super photos – en voici trois

Basta Now #4 At The Church

est en ligne sur Soundcloud, très précisément ici. Avec

Maria W Horn, Atropa
Alice, Jésus Christ
Claire Rousay, Peak Chroma
Áine O’Dwyer, The Little Lord of Misrule (+ Valentina Magaletti, « Le Saint Esprit est désolé mais le petit Jésus t’a puni.e »)
Diamanda Galás, The Lord is my Shepherd
Kali Malone, Sacer Profanare (+ bells from Sarah Davachi’s Hall of Mirrors)
Meredith Monk, Fields / Clouds
Clarice Jensen, The Organ That Made You Bleed
MonoLogue, The Sea From The Trees – A2
Puce Mary, Red Desert
Karen Gwyer, Nail Bars of the Apocalypse
Valentina Magaletti, Different Rooms

(photo prise à Cuinchy)

Je me suis beaucoup amusée à faire ça ; bricoler ce genre de mix avec mon petit logiciel libre est l’une de mes nouvelles activités préférées… J’ajouterai que la voix de Valentina disant le petit Jésous t’a pouni.e (enregistrée spécialement dans la perspective de ce mix, il y a bien longtemps déjà) est absolument irrésistible ; elle intervient à la fin du morceau d’Áine O’Dwyer tiré de son super album Music For Church Cleaners.

et encore un sanglier : voici Extrasystoles

Ma rencontre avec un sanglier dans la forêt de Bord lors de ma résidence à la Factorie en janvier 2022 a trouvé place dans la toute nouvelle collection des Carnets du Dessert de Lune, Lune de Poche. Parution officielle après-demain. A défaut d’avoir encore pu voir et feuilleter le livre, j’ai reçu cette newsletter de l’éditeur ce matin :

« Extrasystoles – Fanny Chiarello

Extrasystoles, récit poétique haletant nous entraîne dans la fulgurance d’une rencontre. Avec une observation incisive, crue et tendre à la fois, et non sans une certaine ironie à ses dépens, Fanny Chiarello écrit l’entrechoquement entre la rencontre d’un sanglier – pendant une résidence d’écriture en Normandie – et un amour absent. L’irruption d’un réel brut et menaçant est ici formidablement restitué : un authentique témoignage de l’expérience de la peur. C’est un texte qui nous déplace en même temps qu’il nous ramène à l’essentiel. »

agenda

Mes trois prochaines rencontres :

demain à Bordeaux,

« Fanny Chiarello explore ville ou campagne en courant ou à vélo, dans une lecture poétique enthousiasmante de vitalité. Victoria Guerrero retrace les femmes au fil des conflits et nous renvoie au réel en poésie. Lisette Lombé, poétesse, et Cloé du Trèfle, musicienne électro, s’associent pour une lecture organique et pulsée racontant une reconquête de soi.

Une soirée proposée par la Maison de la poésie de Bordeaux en partenariat avec l’association Klac »

Merci à Patrice Luchet pour l’invitation. (J’y serai incognito puisque j’ai désormais une véritable crinière, que je laisse le vent sculpter à sa guise, personne ne me reconnaîtra).

La semaine prochaine, je retrouve Wendy à Montreuil pour le festival Hors Limites

Et le 16, je retrouve ce cher Lucien à Metz pour le festival Poema

Youyou Ciao

Je ne m’attendais pas à pleurer dans le train, encore moins à sangloter, encore moins à tant sangloter. Comme si le départ avait ouvert les vannes d’une mélancolie qui enflait depuis quelques mois. J’aurais pu écrire un livre entier pour dire la perte, le délitement, le sentiment d’un monde qui disparaît (au profit d’un autre où je n’ai pas toujours ma place et auquel je trouve peu de charme) mais aussi la beauté mélancolique de la campagne et de vies modestes, parfois rudes, qui se vivent à l’écart de la grande agitation – j’ai pour elles une tendresse infinie, si l’on fait abstraction des chasseurs, éleveurs & Cie. Pas de vanité, là où je viens de passer un mois ; pas de place pour la vanité. Hier, je n’ai pu m’empêcher de faire une dernière petite virée à vélo pour dire encore au revoir et j’ai découvert que la maison à toit de chaume qui fait face au télésiège dispose d’un minigolf privatif complet, mangé par la mousse, à 500 mètres du minigolf public (comment avais-je pu ne pas le remarquer plus tôt ?) et je me suis dit que vraiment, je devais revenir et écrire sur la frontière, même si je sais que mes camarades me manqueront, si je reviens, et que je ne me sentirai plus chez moi.

Ce matin, avant de partir, j’ai fait le tour du parc en espérant voir des chevreuils et j’ai enregistré un concert de pics-verts. Puis je suis retournée à la Villa, rejoindre Adèle et sa mère qui allaient me déposer à la gare de Bailleul, j’ai pris une dernière photo de son plus beau flanc et, quand je l’ai contournée vers l’entrée principale,

j’ai trouvé Adèle qui enregistrait les oiseaux, elle aussi.

Je vous dis à bientôt, Youyou, Adèle et Chab <3

Youyou 25

Hier, mes camarades et moi, pleinement réconcilié.e.s, avons bouclé la boucle : nous avons bu un dernier verre de dimanche soir au Mont Noir, USA.

Ce matin, en courant, j’ai dit au revoir au télésiège, à Hellegat, à Heuvelland, je n’ai vu aucun chevreuil mais le soleil s’est levé, ça faisait longtemps. Ce mois est passé très vite, bien qu’il me semble être partie depuis un an – c’est le temps élastique de ce type d’expérience. J’ai vécu la même chose à New York en 2017, ma seule autre résidence longue à ce jour : alors que le départ approche, je ne sais plus vraiment où est (ni ce qu’est) ma vie, je suis perdue, à la fois mélancolique et soulagée, un peu anxieuse mais ça, c’est à cause de mon calendrier suffoquant.

Youyou 23

Je suis retournée au Mont des Cats, cette fois pas en courant mais à vélo.

Et depuis son sommet, j’ai quasiment vu ma maison – et celle de mes parents, encore plus proche du fleuron que la mienne.

De quel fleuron je veux parler ? Zoomons un peu. Vous voyez ?

Zoomons encore un peu. Ce n’est pas un petit tas, notre 11/19 : on le voit à 39 km à vol d’oiseau. Je lui ai crié, J’arrive et j’ai même ajouté un point d’exclamation.

Il me reste trois jours pour faire une dernière fois le tour de mes coins préférés, entre le Mont Noir et Bailleul (qui me fait signe au revoir, ci-dessous). Enfin, une dernière fois… Je reviendrai, c’est sûr.

Aujourd’hui, je suis même allée dans la campagne belge au risque des chasseurs et des chiens très gros.

Le Mont Noir est une vraie ville frontière, une ville de western, avec ses saloons alignés sur une crête et, de part et d’autre, en aval, la campagne à perte de vue. Si on va derrière Edisac, on voit ceci

et si on descend derrière les arbres,

en un instant on est sur un petit chemin boueux bordé d’arbres sublimes

qui sinue entre les champs et les pâtures.

Et pour arrondir ce billet à un nombre premier d’images, voici un arbre électrique d’Heuvelland, très flou parce que je l’ai pris en photo avec mon téléphone pourri sous le crachin du matin.