Je vous emmène cette semaine à Comines-Warneton.
(Plutôt pas mal assis, là, au bord de la Lys.)
(Un mur de textures composites, dans le centre-ville.)
Une voie ferrée
La gare de Comines-Warneton a diverses particularités : d’abord, l’on n’y trouve ni Marks & Spencer ni Palais des Thés mais un atelier d’artiste – galerie d’art ; ensuite, des affiches nous présentent (photo à l’appui) Frank, l’employé qui entretient la gare pour le confort de tous ; enfin, des cabines de plage boxes permettent aux usagers d’attendre leur train assis à l’abri des éléments. Un véritable modèle que cette gare.
La Belgique m’évoque souvent les États-Unis, comme je ne manque jamais de m’en ouvrir à mes amis belges – certains partageant cette impression, d’autres me regardant alors avec un rictus quelque peu méprisant. La musique explique en partie cette impression*, mais aussi la sirène de la police (politie) ou encore les passages à niveau.
Ce système de roue et contre-poids m’a beaucoup plu ; je n’ai pas compris ce qu’il reliait à quoi ; je n’aurais pas pu inventer le chemin de fer, quelque amour que je porte à son esthétique.
Après la gare, les deux voies ferrées en deviennent une seule. Vous découvrirez plus bas quelques merveilles de faune et d’architecture qui agrémentent ses abords (patience).
* Ainsi, Comines-Warneton (18 111 habitants) possède un club de jazz et de blues tandis que Lille et son aire urbaine de 1 182 127 habitants n’en proposent pas un ersatz.
L’art
Au fil de mes déambulations, j’ai découvert Roger Coppe (1928-2012), maître verrier, peintre, sculpteur et dessinateur, manifestement l’artiste phare de Comines-Warneton. Nous lui devons notamment le Mémorial de la Bataille du Canal, sur l’esplanade du canal Comines-Ypres.
Si vous longez le canal vers la Lys, à l’angle de la rue de la Procession (ancien chemin de halage) et de la rue de la Procession (et vice-versa), vous apercevrez sur votre gauche la Maison de la Jeunesse et de la Culture, construite en 1975, et que décore un bas-relief de l’artiste, dans un genre très différent de son mémorial.
(Rue de la Procession, donc, Comines-Warneton, Wallonie.)
En voici un détail :
Mais l’art, à Comines-Warneton, c’est aussi le hall d’un club de blues et de jazz, l’Open Music, rue du Faubourg, qui est également le hall d’un cabinet d’avocats – je trouve la chose assez nébuleuse -, hall qui est une véritable galerie d’art. Si l’un d’entre vous sait de quel artiste est le buste ci-dessous, à mes yeux l’œuvre majeure de cette exposition que je suppose permanente, je lui offre une petite frite* à l’Istanbul (« Les meilleurs kébabs de la région ! »)**.
* Supplément sauce non pris en charge.
** Frais de déplacement non pris en charge.
Au fil de la Lys
Un simple pont sépare Comines (France) de Comines-Warneton (Belgique). Sous ce pont coule la Lys, le genre de rivière où l’on ne se baignerait pas.
Malgré mon goût prononcé pour les passages secrets et les territoires interdits, je n’ai pas enfilé ma combinaison en néoprène pour aller voir où mènent ces portes immergées. Vous pouvez m’envoyer tous les pigeons de la Création, porteurs des messages les plus infamants, c’est toujours non.
Pourquoi ne peut-on pas se baigner dans cette rivière d’aspect si charmant ? Parce que de lourdes péniches y circulent (nous le verrons plus bas) entre des usines qui, comme Lotus (la biscuiterie particulièrement connue pour ses Speculoos), déversent dans l’eau des liquides colorés et odorants.
Admirez cette vue de l’usine en question avec, en arrière-plan, l’église Saint-Chrysole de Comines, au style néo-byzantin – oubliez Saint-Pétersbourg et toute la Russie impériale, allez à Comines, France ; en plus, l’église vient d’être restaurée, nettoyée, on en mangerait comme d’une charlotte aux fraises.
Saint-Chrysole n’est pas le seul atout architectural de Comines (France). Ici, derrière une péniche aménagée en appartement, vous voyez se dresser le clocher de St-C mais aussi le beffroi de l’hôtel de ville et son bulbe majestueux (le bâtiment figure au patrimoine mondial de l’UNESCO).
Ne croyez pas que je n’aie pris aucun risque pour ce reportage. J’ai traversé des champs marécageux pour approcher cet étonnant pont dont j’ignore de quoi il est un vestige : une voie ferrée passait-elle autrefois en-dessous ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Il est là, au milieu des champs, ça ne vous suffit pas ? Je ne suis pas payée pour faire ce type d’enquête ; si vous n’êtes pas satisfaits par ma manière de mener l’enquête, flûte.
Pour clore cet épisode sur le fil de la Lys, la photo promise d’une imposante péniche passant (tout juste) sous le pont qui sépare Comines (France) de Comines-Warneton (Belgique), ce si beau pont qui, je tiens à le préciser, n’est ni belge ni français, un pont libre et libertaire, no border.
L’habitat
J’envisage d’acheter cette maison ; elle coûte 496 000 euros, ce n’est pas rien, mais elle dispose d’une piscine et de boxes pour les chevaux – une commodité appréciable quand on emménage : on pose ses meubles, comme on dit…
Quand j’aurai posé mes meubles, mes bouées en forme de canard et mes chevaux dans ma villa, je pourrai décorer sa façade d’un petit nom en solfège dans le même goût que le do mi si la do ré ci-dessous.
Le nom idéal serait quelque chose de grandiose dans le goût de Royal Palace, mais que l’on puisse épeler en notes de musique.
Peut-être un jour mes pilastre s se terniront-ils, mais je n’aurai pas le laisser-aller de certains de mes concitoyens cominois* : je fais le serment que, si elles devaient ainsi décatir, je louerais un nettoyeur à haute pression.
Dans le parc, entre la piscine et les boxes des chevaux, je ferai construire un barbecue en dur comme celui de mes voisins, orné de têtes de lion, dans un cadre délicieusement rustique.
* La profusion de pilastres à Comines-Warneton étaye ma thèse de la proximité culturelle entre Belgique et États-Unis ; que l’on se remémore les paroles de Cities, chanson des Talking Heads, dans lesquelles il est question de Memphis, « home of Elvis and the ancient Grece ».
La faune
Je promettais plus haut de vous présenter les merveilles de la faune qui agrémente les abords de la charmante voie ferrée. Je longeais cette dernière, séparées d’elle par une étroite bande de verdure, quand des dizaines de poules se sont précipitées vers moi, leur petit ventre rebondi se balançant avec grâce. Seuls éléments nonchalants de la bande, ces deux individus à la plume fringante.
Cent mètres plus loin, des chevaux se débattaient pour chasser les mouches. Je ne voudrions pas observer une telle détresse dans mon propre jardin, aussi ai-je renoncé à acheter cash la villa évoquée à l’instant, car qui dit boxes dit chevaux, pour moi qui tâche de respecter la fonction que l’usage assigne aux objets et constructions. Tant pis.
Je n’ai pris aucune photo des panonceaux canins qui fleurissent les fenêtres de Comines-Warneton car ils sont en tout point identiques à ceux que l’on trouve dans le banlieue lilloise. En revanche, je n’aurais pu vous priver de ce joyau, dont vous apprécierez tout autant la cruauté que l’esthétique.
Sur le canal Comines-Ypres, nous avons observé deux types de poules d’eau : les poules d’eau-Jésus qui marchent sur les lentilles d’eau et celles, plus prudentes, plus conventionnelles aussi, qui utilisent les aménagements du territoire pour se déplacer.
Zéphyrs embrasés
Je vous prie de bien vouloir excuser la qualité déplorable de cette photo ; la scène qui m’intéressait se déroulait hors d’atteinte et il m’a fallu zoomer au maximum pour pouvoir témoigner de la liberté de mœurs qui règne à Comines-Warneton, visiblement dès la prime enfance. Malgré l’angle et le flou imposés par la configuration du jardin où a lieu la scène, il me semble pouvoir affirmer que ces enfants ont à peine un an mais s’embrassent avec la langue. Notez la main entreprenante posée sur la hanche de ce que nous supposerons être le sujet masculin dans tout le potelé de son jeune âge.
In the kitchen + Mal assis, là
L’appellation « Mal assis, là » est ici très subjective : une âme dévote sera épanouie sur ce banc, dans la contemplation forcée de la chapelle N-D de Grâce.
L’on trouve deux éléments étonnants dans ladite chapelle : d’abord, un enfant de chœur en faïence. Nous n’en avions encore jamais vu dans aucune des nombreuses chapelles qui nous attirent immanquablement, malgré notre farouche anticléricalisme.
Plus insolite encore, ce Jésus qui met les doigts dans les narines de la Vierge Marie, sa maman. Pardonnez la piètre qualité de l’image, une fois encore, mais seul un zoom, malaisé à travers les fenêtres très sales de la chapelle, permet de voir distinctement ce qui se joue entre les doigts du divin enfant et les vierges naseaux.
Au bord de la Lys, cette chapelle couverte de lierre était extrêmement charmante mais tout aussi sale, comme l’image suivante tâche de le montrer.
Je mentirais si je prétendais que l’on ne voyait pas ce qui se trouvait à l’intérieur mais, à vrai dire, je n’y ai rien relevé de très original : pas d’étendoir à linge en plastique, ni de mœurs nasales inhabituelles. Je préfère essayer de vous faire ressentir la qualité de la vitre – sa texture poreuse et les différentes matières qu’elle amalgame – que de vous proposer la photo d’un ange aux yeux blancs.
J’ai traversé le colossal institut Saint-Henri et tâché de deviner, à travers les vitres brouillées, à quelle salle de classe j’avais affaire. J’ai identifié une salle d’arts plastiques, une salle de mathématiques, mais j’ai séché sur celle-ci :