Je suis extrêmement touchée par la chronique radio consacrée au Sel de tes yeux par Josyane Savigenau – que je remercie une nouvelle fois pour son soutien inestimable. On peut écouter l’extrait de l’émission ici, sur le site de RCJ.
La dispute
Ce soir, à 19h sur France Culture, il devait être question du Sel. Comme je l’expliquais à l’équipe du Triangle cet après-midi en mangeant la galette des rois, j’avais peur de me faire laminer dans l’émission (dont le titre seul me fait frémir) mais aussi de ne pas me faire laminer pour cause de grève. Finalement, je ne me suis pas fait laminer. Mais j’ai eu la fève. Pour ma première rencontre avec mes nouveaux camarades rennais, j’avais une couronne en papier sur la tête : toujours rester digne.
Un au revoir
Demain, je quitte le vaisseau fantôme pour entamer ma résidence au Triangle de Rennes. J’abandonne Dame Sam et tous nos amis. Ma Carrie chérie m’en veut tout particulièrement, au point de se montrer agressive ce matin. Je l’ai filmée quand elle a chargé, son adorable petit corps potelé ballotant de droite et de gauche tandis qu’elle courait vers moi, le cou tendu, le bec acéré, l’œil plein d’un légitime reproche. Je rentre très vite, lui ai-je promis, mais elle ne m’a pas crue et m’a mordu les baskets et les mollets. Quelques film stills de la vidéo :
Vous allez me manquer, mes amis à poils et à plumes (Polty vient avec moi – il ne paye pas le train) ; à bientôt.
La Voix du Nord encore
Aujourd’hui, j’ai le grand honneur de faire partie des huit femmes choisies par Sophie Filippi-Paoli, journaliste à La Voix du Nord, pour une double page annoncée ainsi :
L’une des autres femmes qui nuisent aux stations-service et moi avons fait partie du même groupe d’amis dans l’avant-dernier segment de ma vie lilloise, ça m’amuse qu’on se retrouve là.
(Photo de Séverine Courbe.)
Promo grotesque
Dans un magazine dont je ne mentionnerai pas le titre, un journaliste estime que la découverte de l’homosexualité féminine est le thème majeur de ma bibliographie. J’en suis perplexe puisque le seul de mes textes qui traite de ce sujet précis est un roman pour ados, Le blues des petites villes, paru à L’école des loisirs en 2014. Manifestement, cet homme n’a jamais lu un de mes livres (ce que je ne saurais lui reprocher s’il ne laissait supposer le contraire) et, plus ennuyeux, il ne semble pas non plus avoir lu Le sel de tes yeux, qu’il prétend chroniquer : l’homosexualité n’en est pas le thème, encore moins sa découverte (quand l’histoire commence, Sarah a déjà fantasmé des romances avec plusieurs femmes et jeunes filles), d’ailleurs ce n’est pas son orientation sexuelle qui fait la singularité de mon personnage. Ce monsieur souligne qu’il s’agit d’un court roman et je me demande pourquoi, dans ce cas, il l’a lu en diagonale.
Auto-promo et animal grotesque
Hier paraissait Le sel de tes yeux, mon nouveau roman aux éditions de l’Olivier. On en parle aujourd’hui dans les Inrocks (ici) et dans l’Humanité. Merci à Sylvie Tanette et à Sophie Joubert pour ces beaux articles. Quand mon attachée de presse me les a signalés, je suis allée sur le site des Inrocks et ça m’a fait un petit choc de voir ma photo à côté de celle de Kevin Barnes.
En 2007, j’ai écouté des milliers de fois The Past Is a Grotesque Animal, chanson de son groupe Of Montreal, dont certaines phrases me donnaient des frissons – comme
But it’s like we weren’t made for this world
(Though I wouldn’t really want to meet someone who was)
ou encore
We want our film to be beautiful not realistic
Je ne l’avais pas écoutée depuis plusieurs années ; je viens de le faire, avec la même chair de poule qu’à l’époque.
SP du Sel
Hier, j’ai découvert mon nouveau livre à l’occasion de l’exercice un peu sportif qu’est le service de presse : par piles. Les exemplaires se présentent, à la sortie de l’imprimerie, par lots de 32 : Le sel en format familial. C’est ma première couverture avec une photo en pleine page à l’Olivier ; j’ai l’impression d’avoir pris du grade, ai-je dit pour l’amuser l’équipe. On la voit ici, auprès des photos de la jeune athlète que j’ai collées en guise de dédicaces. En arrière-plan, quelques manuscrits en attente de lecture.
Maintenant, Le sel attend le 2 janvier avec impatience.
Les premiers jours de ma nouvelle vie
Le premier matin de ma nouvelle vie, je regarde le jour se lever sur le pin majestueux qui surplombe mon jardin, la maison est déjà repeinte, aménagée, rangée, plus aucun carton ne traîne. Je bois le premier thé de ma nouvelle vie.
(Comme cette publicité pour les Meubles Delefosse, ma maison mélange l’ancien et le moderne.)
J’ai dormi trois heures mais je veux saluer ce premier matin en courant dans la lumière sublime, froide et pure, avant d’attaquer les finitions de la maison avec mes proches. Les rues sont presque parfaitement désertes, comme je les aime, et les rares personnes que je croise me disent bonjour.
(Je consacrerai prochainement un billet aux dead Lidl & Aldis du bassin minier.)
Le deuxième jour de ma nouvelle vie, alors que je traverse Loison-sous-Lens en courant, je croise la plus petite fanfare de mon expérience terrestre ; elle ne joue pas très juste et les quelques personnes qui la suivent sont si renfrognées que je n’arrive pas à réprimer un rire. Je suis déçue qu’il n’y ait pas de majorettes.
(Jour de fête au cimetière de Sallaumines.)
La troisième nuit de ma nouvelle vie, je crois qu’il y a un poltergeist dans ma maison. Je suis seule à la barre d’un paquebot hanté, Dame Sam pelotonnée contre moi. Des meubles changent de place, le bois craque et la tuyauterie claque. Le jardin est plongé dans une obscurité totale et seule la silhouette du pin se détache vaguement sur le ciel, un peu inquiétante. Je me fais penser à la présentatrice radio dans le phare de Fog et à toutes ces femmes de films américains qui vivent seules dans des maisons immenses et qui n’ont pas peur. Sauf que j’ai peur.
(Un arbre de terril qui m’évoque celui de Poltergeist.)
Le quatrième matin de ma nouvelle vie, la lumière inonde la maison, des lycéens passent devant mes fenêtres côté rue et le pin, de nouveau magnifique, s’étire côté jardin. Le soir, mon père installe des verrous et bouche des trous dans la coque de mon paquebot. Mon aspirateur fait sa diva, il trouve qu’il a assez donné ces derniers jours et recrache la sciure générée par l’assistance paternelle. Dame Sam a décidé de dormir sous la couette ; je dis ok, tant que je suis célibataire. La situation m’échappe.
(I can’t give you anything but love, baby, chanteraient Cary Grant et Katharine Hepburn.)
En l’absence de connexion Internet, je ne peux pas découvrir les dernières parutions de musiciennes et créatrices sonores. J’en profite pour écouter les albums à ma disposition et me rends compte que j’ai un véritable trésor de femmes formidables sur mon disque dur. Les deux tiers des mails que je reçois depuis trois jours sur mon téléphone ont trait à mes divers abonnements : l’eau, l’électricité, Internet. Bienvenue, me disent-ils en substance, vous pouvez payer ici. Dame Sam hausserait bien les épaules, mais elle n’en a pas. Nous ne nous plaignons pas de ces menus agacements mais pensons aux éphéméroptères adultes, qui connaissent un sort bien pire que le nôtre : ils n’ont ni pièce buccale ni tube digestif, parce qu’ils ne vivent pas assez longtemps pour avoir l’occasion de s’alimenter. Poignante solitude de qui n’a pas de bouche. J’aime autant me passer de stimulations électroniques, et Dame Sam d’épaules.
(Je profite du wifi dans le TGV pour poster ce billet, le sixième jour de ma nouvelle vie – en route pour l’Olivier, où m’attend le service de presse du Sel.)
(Pierre solitaire de Pont-à-Vendin.)
Le cinquième jour de ma nouvelle vie, je passe outre un panneau ATTENTION CHASSE et cours pour la première fois sur un terril, au long de petits chemins noirs qui serpentent entre les bois, les étangs, les marais, le canal et des nappes de champignons ; l’odeur d’humus est rehaussée par le soleil et les oiseaux d’eau pérorent joyeusement.
Plus tard, je trouve un endroit où j’aurai plaisir à faire les courses dans ma nouvelle vie, à cinq minutes de chez moi ; c’est une supérette des années 80, biscornue, avec des recoins, des marches et une cabine de photomaton au fond, près des ustensiles de cuisine et des fournitures scolaires. Mon manuscrit en cours d’écriture s’est augmenté aujourd’hui d’un chapitre de cinq pages décrivant le nettoyage d’une cuisine. J’étreins la densité du réel.
Le sel
Le voici déjà, tel qu’annoncé sur le site de l’éditeur : mon roman à paraître le 2 janvier – car c’est finalement sous une forme romanesque que vivra ce que j’ai longtemps appelé ici ma lettre à une jeune athlète. Mon septième livre avec l’Olivier, ça se fête…
1409
Le mille quatre cent neuvième et dernier week-end de ma vie lilloise – mon acte II – touche à son fin. L’acte III débutera samedi prochain. Que souhaites-tu faire de ce dernier dimanche ? aurais-je pu me demander si j’avais eu besoin d’y réfléchir, mais mon instinct a guidé Mon Bolide sans tergiverser à travers mes quartiers préférés de Villeneuve-d’Ascq, en finissant par la Cousinerie et les Marchenelles, puis entre champs et bosquets dans un silence presque parfait, jusqu’à Hem, Roubaix, Croix, ensuite de quoi nous avons dévalé le Grand Boulevard qui a été l’une de mes premières amours topographiques dans la métropole lilloise – au début des années 2000 c’était une passion, d’ailleurs certains d’entre vous ont dû connaître la carte postale ci-dessous, que j’ai publiée en 2005 sur mon blog alors intitulé Rien n’arrête nos esprits (et dont est tiré mon recueil Je respire discrètement par le nez, où l’on trouvait également les aventures de Dancing Chicken et de Sean Mondino, mais surtout la série à succès Avec Marie-Eustache et nos amis) :
Aujourd’hui, ce serait plutôt
Mais mon dernier coup de cœur dans la métropole lilloise, c’est ce lotissement de la Cousinerie qu’enrobe la rue de la Cimaise et où l’on trouve, entre autres éblouissements, ces trésors de géométrie :
Ici, même les arbres sont au cordeau
sauf celui auquel je m’identifie
Il n’y a pas que des allées pavillonnaires mais aussi de petites résidences et, naturellement, les chemins de traverse qui font le sel des lotissements.
J’adore aussi la vue qu’offre ce Beaucoup Fun du quartier Flers Bourg.
Et le ciel était poignant, à la fois mélancolique et lumineux : parfait pour ce dernier dimanche de l’acte II. Qu’il en soit remercié.