Le 11 octobre paraîtra mon nouveau roman, Terrils tout partout, aux éditions Cours Toujours. Je remercie Georges Guillain pour le très bel article qu’il lui a consacré le 11 septembre, avec un mois d’avance ; vous pouvez lire l’article ici – en voici le tout début :
Et dans un mois tout pile, à savoir le jeudi 21 octobre, je présenterai Terrils tout partout au Bateau Livre, à Lille, à 18h. En attendant, vous pouvez découvrir des extraits du texte et des bonus sur la page qui rejoint aujourd’hui la barre de menu.
Si tout va bien sanitairement, je serai au Lieu Unique, à Nantes, le samedi 16 octobre dans le cadre du festival MidiMinuitPoésie : après une table ronde avec Bertrand Belin et Nii Ayikwei Parkes modérée par Éric Pessan (14h), je lirai des extraits de La geste permanente de Gentil-Cœur (15h45) et dédicacerai à tour de bras (18h). Programme complet du festival, ici.
(Ce billet remplace et développe un /3 de la semaine dernière en pas moins de 17 photos + liens culturels pour votre édification.)
J’évoquais dans le billet 449 un jardin que l’on peut admirer dans une cité minière de Mazingarbe. Mes photos ne rendent pas honneur à son art brut ; pour en voir et en savoir plus sur ce jardin remarquable et sur son créateur, François Golebiowski, cliquer ici.
Mais cet habitant n’était pas le seul (au passé puisqu’il est décédé en 2013) à construire des modèles réduits de chevalements. On en trouve également un à Billy-Berclau, de plus impressionnantes proportions.
Billy Berclau est l’une des rares villes qui aient conservé un authentique chevalement et il semble être devenu un logement. Je ne sais pas quelle partie des bâtiments est habitée mais une pancarte Défense d’entrer, propriété privée en protège l’accès, flanquée d’une boîte aux lettres indiquant les noms de celle et ceux qui résident là. (Photo prise à travers la grille).
Ainsi, certaines villes ont conservé des chevalements, témoins de leur passé minier ; c’est également le cas de Bénifontaine, d’Évin-Malmaison, de Haines, de Lewarde, de Liévin, de Loos-en-Gohelle, de Marles, d’Oignies et de quelques communes entre Valenciennes et Douai. À Haisnes, l’accès au chevalement est facile, sans doute dangereux, probablement pas autorisé. Ici, sa tour vue depuis son propre corps.
Il est devenu une véritable galerie de street art et abrite notamment cette pièce imposante.
C’est l’un des quatre derniers chevalements en béton que compte le Nord-Pas-de-Calais ; j’en ai découvert un par hasard, cette semaine, à Anhiers. On le distingue ici au loin, derrière la Scarpe inférieure et ses foulques, par un petit matin brumeux.
D’autres villes ont effacé les stigmates de leur passé minier, longemps considéré comme honteux (On était la lie de la lie, me disait récemment une descendante de mineur alors que nous évoquions l’avant-Unesco) ; parmi ces villes, certaines repenties ont confié à des artistes la tâche de faire revivre la mémoire que la précédente génération avait souhaité gommer. Voici quelques chevalements décoratifs, soit d’encombrants produits dérivés – j’en découvrirai forcément d’autres au fil de mes explorations et je ne manquerai pas de vous en faire profiter.
Leforest
Oignies
Hulluch
Méricourt
le même avec lampe de mineur géante
Car on trouve également dans le bassin minier quelques monumentales lampes de mineur, déclinées sous diverses formes. Notez qu’il y avait autant de variétés de lampes qu’il y en avait de chevalements (on constate la diversité de ces derniers sur une photo de Bernd et Hilla Becher visible ici), de maisons minières, etc.
Courcelles-les-Lens
Auchy-les-Mines
Harnes (lampe sur laquelle des supporters politiques collent des affiches, hélas)
Lallaing (notez que c’est le même modèle de lampe qu’à Auchy-les-Mines, même si le rendu est assez différent)
Liévin
Ici, la lampe géante rend hommage aux victimes d’une catastrophe minière qui a eu lieu en décembre 1974. On devine en arrière-plan un authentique chevalement très bien préservé.
Ce n’est pas le seul chevalement d’époque qui se dresse dans cette ville où il se trouve que j’ai grandi et que mes parents habitent encore ; depuis le monument ci-dessus, il suffit de pivoter sur soi-même pour retrouver le même tandem lampe-chevalement.
Ici, lampe et chevalement sont peints, ce qui n’est pas si fréquent (le chevalement d’Évin-Malmaison est rouge mais je n’en connais pas d’autre qui ait osé la couleur – la plupart sont juste entretenus : de teinte naturelle, si on peut dire). Cet article fera probablement l’objet d’addenda au fil de mes périples cyclistes.
Boucquins, c’était la journée de clôture du festival Poema dans le village de Boucq en Lorraine et en excellente compagnie. Ici, je finis ma lecture de La geste permanente de Gentil-Cœur en chantant Goodbye, Chère Amie de Magnolia Sisters, accompagnée par le super (et adorable) accordéoniste Nicolas Arnoult. Je remercie toute l’équipe pour son accueil chaleureux.
Expression cajun qui s’applique idéalement à mon potager. Ci-dessous, mes pommes de terre prises en photo à la fleur de l’âge. Aujourd’hui, j’ai dû toutes les déterrer, un mois et demi avant l’échéance mais in extremis avant que le mildiou ne les achève – plus radicalement que les gastéropodes, bien que, pendant trois mois, j’en aie acheminé des dizaines chaque jour vers la bande boisée qui sépare mon jardin de la cour du lycée (j’appelais ça la navette).
Tant d’amour et de travail pour quatre cageots, pourrait-on se dire, mais les tubercules me le rendent bien et j’ai trouvé de nombreux cœurs parmi mes miraculées.
Les courgettes luttent bravement, elles aussi, bien que certaines aient été dévorées de l’intérieur par des bébés limaces (et on dit que les enfants sont innocents – je n’y ai jamais cru).
Et l’aubergine aussi tient bon.
Mais les tomates dépérissent inéluctablement, le mildiou les boulotte sans hâte, gagnant chaque jour quelques millimètres.
Le week-end dernier, dans La Voix du Nord, un article sur les randos-ateliers que je mène avec la plasticienne et graphiste Oréli Paskal. Sur cette photo, nous avons l’air sortis d’une série survivaliste (il manquait à peu près la moitié du groupe lors de la reprise après une interruption de plusieurs mois, mardi dernier) mais quand nous sommes naturels et ne ballons pas des bras, nous ne faisons pas trop peur. Je vous donnerai des nouvelles de notre carnet de route + carte sensible, qui a tout pour devenir un très bel objet, dès que nous aurons rattrapé notre retard covidien.
Aujourd’hui, j’ai découvert le terril 107 dit 4 d’Oignies, sis à Carvin. Il ressemble à ça depuis le terril 115 dit du Téléphérique, sis à Libercourt – la photo date d’un autre jour, plus nuageux. 107 n’est ni aussi petit ni aussi simple qu’il n’y paraît.
Il était un peu plus de 6h, ce matin, quand j’ai filé sur Mon Bolide et une longue route déserte, j’étais si joyeuse que j’ai chanté toutes les chansons qui me traversaient l’esprit et annoncé aux oiseaux que j’étais aussi libre qu’eux, il n’y avait pas de vent et les couleurs étaient tendres comme du sucre.
Puis j’ai slalomé à travers champs dans des ornières de tracteurs et j’ai fini par me trouver sur le flanc du 107, presque sans l’avoir vu venir tant la végétation était dense à son pied. Son exploration m’a ravie, je ne m’attendais pas à tant de splendeurs et merveilles, à tant de bois, de marais, de roselières,
ni à tant de lapins et de loriots stridents – trop vifs pour que je les prenne en photo, les oiseaux jaunes, contrairement aux lapins qui étaient encore au petit-déjeuner ou en pleine toilette.
Je me suis arrêtée plusieurs fois pour étudier le paysage et, à un moment, mon œil a été attiré par cette mignonne mini chenille. On devine sa taille en comparaison avec la samare de frêne floue dans le coin supérieur gauche de la photo.
J’ai eu, en voyant cette grâcieuse chenille, une espèce d’épiphanie : elle était là, à cet instant de sa vie, me suis-je dit, puis je me suis rappelé que moi aussi, j’étais là, à cet instant de ma vie. Personne ne savait que je m’y trouvais, il n’y avait aucune nécessité à ma présence en ces lieux (une heure plus tôt, je ne savais pas encore où j’allais me rendre) et je suppose qu’il en allait de même pour cette chenille. Elle se tendait vers moi, de temps à autre, pour preuve qu’elle et moi partagions ce hasard.
On vit des choses étonnantes et fortes quand il n’y a aucun congénère aux alentours ni aucune forme d’interaction à gérer, que l’on est disponible à ce qui nous entoure avec rien d’autre à faire que d’être là, en vie, dans l’odeur organique du sous-bois encore humide à cette heure matinale, entourée d’espèces qui tutoient la nature plutôt que de la détruire. Je me suis promis d’amener bientôt ici la seule humaine auprès de qui je peux vivre ce genre de moment avec le même abandon – et avec, en plus, un sentiment de complétude. Nous, par hasard, dans l’univers immense : la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, si belle qu’elle a toute l’apparence de la nécessité.
Voici une photo du parc Guimier à Sallaumines, celui que j’évoque dans Le sel de tes yeux et dans La geste permanente de Gentil-Coeur. Il ressemblait encore à ça ce matin.
Mais quand je suis passée par là cet après-midi, tous les arbres à droite sur l’image ci-dessus avaient été abattus. Des arbres sains, vigoureux, apparemment vieux, si on se fie à leur hauteur. Pourquoi ? J’ai envoyé un message à la mairie pour le demander, et pour demander si un tel massacre est légal à notre époque où même le dernier crétin dans un bureau sait qu’il y a urgence à épargner la nature. Ça me rend malade.
Et regardez ça, ils ont fait très vite, comme si ça allait passer inaperçu : sitôt abattu, sitôt débité. Il faudrait porter plainte contre ce genre d’agissements, mais ça ne ramènerait pas ces magnifiques arbres à la vie.