Je n’ai pas fait de cauchemar cette nuit – enfin, si, mais ces millions d’insectes qui envahissaient ma maison n’étaient pas aussi traumatisants que la cabane du psychopathe – si c’en est une – dont je craignais de rêver. C’est malgré tout ma première pensée, au réveil, et celle de mon amour aussi. Cependant, je n’appelle pas la police. J’envoie mes photos du site maudit à mes meilleures amies. Outre que mon Antique a la fibre d’un détective privé, j’ai espoir qu’elles me proposent de nous accompagner sur place, à la fin du confinement. Nous poursuivons l’enquête au téléphone, avec des vues satellites et mes photos. Nous nous interrogeons sur cette tache blanche qui se situe à proximité de la paroi rocheuse ; à l’échelle, elle fait à peu près la taille d’une voiture.
Il faut que j’aille voir ce que c’est mais mon amour refuse de m’accompagner : elle a plutôt besoin de lapins, dit-elle. Seule, je n’ose pas m’y aventurer. Je ne cours pas sur le terril mais autour de lui ; j’inspecte les environs. Pas de marbrerie à l’horizon. Rien à signaler. Je ne vois ici que
Le vide du jour
Mais je ne ressens pas ce calme comme serein. Plus loin, je suis presque rassurée de voir que les passants sont nombreux dans les rues de Sallaumines, ce matin (toutes proportions gardées : même hors confinement, Sallaumines est ce qu’on appelle une ville morte), même si ça m’oblige à changer de trottoir vingt fois pour ne croiser personne. Ces habitants avec leurs sacs Lidl n’enterrent pas des gens sur des terrils, je les aime beaucoup. Mais ma véritable récompense de cette course à pied, c’est Danny qui me l’apporte.
Désormais, quand j’arrive en courant dans sa rue, il court avec moi jusqu’au bout de sa pâture. Je m’en réjouis d’autant plus qu’il a bien besoin d’exercice physique. Je le coache, en quelque sorte. Il faut se rendre compte qu’il a passé sa vie confiné dans cet enclos. Hier, nous l’avons vu ruer dans sa cabane, et sa poulette se tenait à l’écart, méfiante. Je comprends qu’il pète parfois les plombs, le pauvre chou. Si un jour je pars vivre dans les bois (ce qui supposerait que ma phobie toute neuve des psychopathes sylvestres soit passée), je l’emmènerai avec moi.
Le gant du jour
C’est mon cinquième jour sans informations mais mon amour me rapporte deux ou trois bricoles, de temps en temps. Ce matin, elle me raconte les dernières sorties de Trump et me dit que les gants ne servent à rien parce que le virus passe à travers. Peu importe, je continuerai d’en porter quand je vais dans des commerces essentiels : je ne crois strictement plus rien de ce qu’on nous dit – ou plutôt, de ce qui se dit, car je sors assurément du nous.
Le détritus du jour
– le jour où un type en a eu assez d’avoir dans un album photo ce souvenir de cuite : c’est aujourd’hui. Le jour de trop.
La musique du jour
Aujourd’hui, il faut bien s’y mettre, planter les pieds de tomates, de courgettes, d’aubergines, de concombres, les salades. Un des outils s’y casse – l’un des premiers outils que j’aie acheté de ma vie, à la jardinerie d’Avion, qui a rouvert la semaine dernière. Comme je crains que nos plantations ne prennent pas, mon amour dit qu’il le faudra bien, si nous voulons devenir autosuffisantes – une idée que nous évoquions dès avant le confinement et à laquelle mon objection majeure est : comment achèterai-je de la musique dans notre cabane au milieu des bois si nous faisons ce choix de vie ? La musique étant l’une des choses qui m’importent le plus, ce n’est pas une question anodine.
Collectress, c’est quatre Anglaises multi-instrumentistes : Rebecca Waterworth, Caroline Weeks, Katherine Mann (aka Quinta) et la formidable Alice Eldridge. Leur nouvel album, Different Geographies, est sorti le 6 mars dernier, quatre ans après le très beau Mondegreen. Quand j’ai eu envie de l’écouter, cet après-midi, je ne pensais pas à sa pochette. Or, chaque fois que j’imagine ma cabane, elle est perchée sur le terril de Pinchonvalles – fantasme né la première fois que j’y ai mis les pieds. D’ailleurs, ma première pensée, hier, quand nous avons distingué à travers la végétation le repaire du psychopathe, c’est « Quelqu’un l’a fait : quelqu’un a installé sa cabane sur un terril ». Avant d’approcher et de voir le détail du tableau.
(Ça, c’était la première fois que je visitais le petit paradis de Pinchonvalles, il y a très exactement un an et demi.)
Le conseil lecture du jour
Si vous ne visez pas la décroissance, lisez chaque jour le mode d’emploi d’un appareil électronique ou électroménager qui agrémente votre quotidien et apprenez tout ce qu’il pourrait faire pour votre confort si vous n’en sous-exploitiez les possibilités. C’est l’occasion. Si j’en avais le temps, j’étudierais en détail celui de mon appareil photo. La semaine dernière, j’ai lu celui de ma machine à laver sans parvenir à lui arracher son secret : où est le bouton Résurrection ?
Au fait
J’ai décidé de clore définitivement ma rubrique La bonne nouvelle du jour.
Mon relevé du jour
Lapin(s) : 11
Joggeur(s) : 0
Mails, SMS et appels de travail : 1
Contrôle(s) de police : 0
Douche : Oui