les deux amants

C’est le nom du lac et de la bière locale. J’ai fait le tour du lac cet après-midi pour écrire dans la lumière.

Je me suis assise sur ce tronc d’arbre, j’étais un peu éblouie mais c’était bien.

Dans mon poème, il est question de mes camarades rencontrés ici. Deux collaborations s’amorcent déjà et leur perspective me divertit de l’idée que dans une semaine je serai arrachée à cette parenthèse radieuse (mais épuisante) comme un vieux sparadrap.

Le lac est semé de toutes petites îles et de poissons plus minuscules encore.

Par moments, la beauté du paysage me fait rêver de recevoir un sms : Je suis à la gare de Val-de-Reuil, dirait le message, et je courrais sur la berge à contresens de l’Eure, des ragondins et des poules d’eau, jusqu’au bâtiment fiché dans la nature façon blockhaus. C’est mon côté pavot de Californie, le rêve est ma dimension – sauf quand je suis confrontée à une charge de sanglier ; j’ai écrit pas mal de choses au sujet de mon sanglier, je n’avais jamais accédé au réel aussi radicalement, purement, intensément que face à lui.

Il est là quelque part dans la forêt que je contemple des dizaines de fois par jour, où que je me trouve, car ici on voit son habitat de partout. Parfois j’ai tout simplement envie d’y retourner, envie de questionner sa puissance et celle de l’effroi.

des nez d’équidés

Mardi après-midi, j’ai fait la poésie en marchant marchant marchant, comme je le décris dans mon poème d’hier ; c’était une performance semi-dansée comme un rite d’exorcisme, plus inquiétante que joyeuse, mais il y a eu des passages d’une bienfaisante légèreté : j’ai vu de nombreux d’oiseaux d’eau en plein meeting aérien à la réserve ornithologique et rencontré de très chouettes équidés. On s’est amusés à se prendre en photo avec le nez tendu vers l’objectif. Il y avait un cheval,

un poney

et des ânes.

C’est un autre âne, Tobie, qui m’a alpaguée alors que je passais pas là au bord de l’Eure, son braiment était pour le moins remarquable. Nous étions tous deux d’humeur mélancolique alors nous nous sommes amusés à faire des selfies ; ils ne sont pas très satisfaisants parce que Tobie me poussait l’épaule (avec le nez, précisément), aussi nous avons fini par rester nez à nez. Notez que nous avons le même poivre et sel et la même coupe de cheveux (c’est dû à mon épi). Quand on me dit Tiens, tu te laisses pousser les cheveux, je réponds que je fais mon poil d’hiver, comme les ânes.

Il y avait deux autres ânes à la réserve ornithologique mais ils ne sont pas prêtés au jeu.

J’avais assez ri de toute façon. Ci-dessous, un teaser : bientôt ici, un billet sur la signalétique rolivaloise.

Le soir, ma mélancolie s’est dissipée quand j’ai rejoint mes chers camarades et que nous avons dansé sur des musiques expérimentales.

à la Factorie (2)

Après avoir passé une nuit à rêver de sangliers, à me réveiller en sursaut, à chercher un arbre où grimper, j’ai décidé d’aller courir ce matin à PLC (certain.e.s d’entre vous se rappellent peut-être une ancienne rubrique de ce blog, intitulée PLC pour presque la campagne), qui a aussi un peu l’aspect d’un arrière-monde par endroits.

Ici, énormément d’arbres sont colonisés par le gui, c’est très beau – même si les arbres en souffrent, ce qui rejoint une discussion que j’ai eue hier avec mes camarades et notamment avec Marion Renauld sur l’insoluble cruauté de la nature : le gui a le droit d’exister mais il est ressenti par ses hôtes comme un parasite et les oiseaux sont innocemment complices de cette occupation.

Une vue de la réserve ornithologique. Il y a plein de lacs et d’étangs, autour de Léry, en plus de la rivière et du fleuve.

J’ai presque eu envie de me baigner, au milieu des oiseaux d’eau – certaines espèces sédentarisées, d’autres de passage, un peu comme les poètes en cette session d’hiver (nous sommes notamment réunis à l’occasion de l’opération « Les poètes n’hibernent pas ») : hier, Jean d’Amérique s’est installé parmi nous tandis que Marion Renauld était seulement de passage pour deux jours et que Mélanie Leblanc nous a rendu visite pour la soirée. Pour info, Maud Thiria imite le cri de la foulque macroule avec tant de vérité qu’elle trompe les applis de reconnaissance des oiseaux. Les poètes qui m’entourent ont des talents variés ; Catherine Barsics en révèle tant et tant que j’ai menacé de lui consacrer une chaîne Youtube et finalement renoncé à filmer toutes ses incroyables impros.

Plus loin, à la sortie de la réserve, j’essaie de me détendre : toute flaque n’est pas souille, me dis-je – et tout sanglier ne charge pas ses ami.e.s. Anna notait hier que ma confrontation avec Monsieur Furieux a immédiatement bouleversé mes structures mentales, mon approche des animaux, ma posture au milieu d’eux. Et c’est vrai, c’était vrai avant même que j’en fasse le récit à quiconque.

Ci-dessous, autoportrait à la surface de l’Eure, où les nombres pairs sont barrés.

Et un arrière-monde de Val-de-Reuil où on peut danser en paix, sans regard importun.

Ici, le soir, les poètes n’ont pas besoin de se concerter pour converger vers 19h autour du bar, où nous attendent notre Charlène Damour, chargée de production de la Factorie, ainsi qu’Erwan, plus qu’un barman. On parle parle parle on rit rit rit on boit on mange on danse danse danse et on se lit des textes lors de scènes ouvertes menées par notre MC Emanuel Campo. Hier soir, après qu’Anna nous a tiré les cartes – tarot des plantes et tarot marseillais (ma plante est le pavot californien, Eschscholzia, soit « rêve, imagination, créativité ») – nous étions huit à partager le micro dans une des salles de spectacle, c’était drôle, beau, intense ; quelle chance inouïe de vivre de tels moments avec ces formidables artistes/personnes. Ci-dessous, Emanuel absorbe toute la lumière.

des ours-sangliers

Les poètes dansent le mardi soir, de sorte que nous nous sommes couchés tard, hier encore, mais mon corps est une mécanique horlogère et à 6h30 ce matin, j’étais debout et opérationnelle. Comme je ne voulais pas partir avant 8h, j’ai commencé à lire La claire caresse de ma camarade et voisine de chambre Anna Serra. Quand je suis rentrée de ma grande aventure forestière, je lui en ai fait le récit puis nous avons discuté d’écriture et, peu après, j’ai repris ma lecture de son recueil ; la première page que j’ai lue était celle-ci :

Vous allez encore dire que j’ai une tendance à l’apophénie mais j’y vois surtout une sorte de mise en lumière. D’autant que quand j’ai raconté mon aventure, Marion Renauld m’a conseillé de lire Croire aux fauves, récit d’une anthropologue qui a rencontré un ours, or mon projet pour Regnéville (ma résidence suivante, imminente) montre une créatrice sonore qui veut enregistrer un ours et développe une parabole sur le mode d’être au monde de notre espèce, basé sur l’exploitation du vivant. Ce sanglier m’a appris beaucoup de choses. Il aura été mon ours.

à la Factorie (1)

La Factorie n’est pas à Val-de-Reuil même mais à Léry, quelque part entre le lac des Deux Amants (Françoise et Gérard, comme mes camarades et moi les appelons affectueusement) et la forêt. J’ai commencé ma résidence par une séance de repérages.

Ci-dessous, un télésiège pour le ski nautique squatté par les oiseaux d’eau.

Derrière les champs, la forêt m’attend.

Les oiseaux d’eau ne sont pas mes seuls complices ici. Avec moi, Catherine Barsiscs, Maud Thiria, Anna Serra et Emanuel Campo <3

Ce matin, j’ai fait un premier tour du lac en courant, une petite dizaine de kilomètres dans l’obscurité profonde puis le lever du jour.

Je suis heureuse d’être ici, en si bonne compagnie, dans un décor où on rêverait de se promener avec sa fiancée – mais n’y pensons pas, ne regardons pas passer les trains Paris-Rouen en imaginant qu’elle pourrait être dedans et qu’on pourrait l’attendre sur le quai à Val-de-Reuil, non, ne faisons pas ça. N’imaginons rien et tout ira bien.

Poésie batelière

Dans Je respire discrètement par le nez, je livrais un texte en forme de pochette surprise intitulé Poésie hippique et qui recensait 107 noms de chevaux de course. Le voici :

« Poésie hippique

Secretariat, Peintre Célèbre, Blushing Groom, Brigadier Gérard, Divines Proportions, Electrocutionist, Fanfreluche, Edredon, Joyau d’Amour, Nice Love, Fée Des Iles, Premier violon, Play It Again, Couleur Du Nord, Belle Allure, Under The Sun, Joyeuse D’Or, Salut Lisa, Magie D’Un Soir, Only Du Lys, Opinel Du Sceux, Odyssée De Féline, Night Du Lys, Otarie Du Rib, Orchestra Sautonne, Nuit De Mars, Oasis Charmeuse, Notre Guerrier, Modèle Du Clos, Nicotine Cébé, Noble Javanaise, Matin De Manche, Papy De La Potel, Paris Is Magic, Pocket Money, Produit Fier, Perfect Charm, Quelle Star, Quelle Fusée, Quetsche Magique, Quality Charm, Gogol, Crocolyrique, Csik To Cheek, Captain Beefheart, Quelle Fiesta, Vélodrome, Heart Of Love, Anthologie, Art Martial, Highest Dancer, Big Time, Lost Sun, Brave Pile, Antigel, Mon Ami Jean-Paul, Sunrise Spirit, Call Me Blue, Noble Emeraude, Nuit Torride, Noble Nénette, Porte Carte, Professional, Loufoque Dairie, Mon Vittel, Pin Up Honey, Princesse Vaumissel, Pin Up De L’Être, Passion Fatale, Petite Folle, Péché De Vigne, Phryne Du Dollar, Praline Du Lys, Planète Foot, Préférence, Quartz Super, My Cause, Sea Of Grass, Half Crazy, By Far, So Long, Rêve D’Empire, Testiglass, River First, Ras Tafarii, Flying Bomb, Rock And Roses, Trésor Précieux, Héritière Céleste, Momie, Double Dollar, I Love Loup, Earth Planet, Danse Du Soir, Si Sismique, Big Stormy Moon, Un Rendez-Vous, Bright Style, Âme Lune, Doctor Dance, Fil D’Or, Sport Complete, Le Bonheur, Régal Viking, Take And Run, Blonde Des Aigles, Fleur Enchantée, et j’en passe »

***

Aujourd’hui, je suis en mesure de vous offrir non pas 107 mais 197 noms de péniches que j’ai croisées sur les canaux d’ici, à savoir sur le canal d’Aire, celui de la Deûle et celui de la Scarpe.

(Ci-dessus, Jules Verne talonne Vega à la frontière d’Hénin-Beaumont et de Courrières.)

Quelques précisions :

– Je ne vais pas cesser de noter leurs noms dans mon carnet au prétexte que j’aurai posté cette liste ; elle n’est pas figée, c’est un travail au long cours.

– Aujourd’hui, je connais très bien certaines de ces péniches et les reconnais de loin ; hier, par exemple, j’ai dit « Ça alors, ce ne serait pas Ghost Sniper ? » J’étais surprise parce que je ne l’avais jamais vue à Santes auparavant. « Bisous à Beuvry ! » lui ai-je lancé. Je reconnais aussi très bien Memphis, Viking, Vega et, s’il peut m’arriver de confondre Pasadena et Savannah, c’est bien parce qu’elles s’habillent tout pareil et traînent dans les mêmes rades (essentiellement la plateforme multimodale Delta 3).

(Savannah entre Meurchin et, en face, Vendin-le-Vieil.)

– Je me suis prise de passion pour les péniches cet été ; je vous en ai d’ailleurs montré un certain nombre, notamment ici. J’ai commencé à relever leurs noms le jour où j’ai croisé Tchiki-Boum ; ce fut ce qu’il convient d’appeler un coup de foudre onomastique.

(Tchiki-Boum à Douai.)

Elle ouvre donc le texte inédit que voici :

Poésie batelière

Tchiki-Boum, Popette, Traviata, Stewball, Macumba, Kon-Tiki, Tida-Kira, Loukoum, Hudson, Pasadena, Savannah, Memphis, Portland, Kansas City, Denver, El Paso, Milwaukee, Oklahoma, Adelanto, Bethesda, Tunica, Lakota, Country, Bibifoc, Top Gun, Speed, Sméagol, Avengers, Alamo, Ravetea, Jama, Dahlia, Ghost Sniper, Radar Taupe, Furious, Tous-Nerfs, Azimut, Venera, Avary, Bayard, Dolax, Remacum, Kustrif, Zagor, Cripayo, Sosanto, Shelendo, Defey, Kerzel, Welfra, Cambio, Morena, Aldo, Doma, Jado, Anex, Pantra, Wiclo, DC Mosa 1, Ginard, Vega, Mondor, Faraday, Pouchet, Louise Michel, Masséna, Jules Verne, Surcouf, Rives de la Meuse, La Vézère, Amazone, Ardenne, Sermaizien, Tréport, Paris, Isola Doma, Isola Bella, St. Barth, Saona, Castille, Merina, Benguela, Smolensk, Smirnoff, Norway, Paraguay, Sherpa, Tabor, Kingston, Big Ben, Beverwaard, Biberach, Olako, Stoupan, Unesco, Esclave, Samaritain, Njörd, Jaël, Freyja, Apis, Osiris, Hermes, Morphée, Nemesis, Poséidon, Saturnus, Pégase, Psyché, Tantra, Deo Date, Uni Deo, Cum Deo, Dieu aboie-t-il ?, Ostara, ND du Perroy, Alizé, Athena, Blizzard, Libeccio, Corylophilda, Cougar, Espadon, Marlin, Cœur d’Océan, Oceanos, Oceanic, Nautica, Aquarius, House Boat, Workshop Boat, La Galère, Salto, Solist, Violento, Filou, Remuant, Turbulent, Surprenant, Trépidant, Chahuteur, Invincible, Diligence, Perpétuel, Imprévue, L’imprévu, Impuls, Probe, Prodest, Colporteur, Nomade, Destin, Le Temps, La Paix, Bon Espoir, Serenitas, Good Luck, Apocalypse, Armageddon, Ocarina, Carina, Ben, Kenza, Alain, Béatrice, Colas, Jessica, Gay, Priscilla, Melina, Léo, Sylvaine, Sébastien, Farida, Homer, Lydia, Marcel, Netty, Samantha, Cédric, Mélanie, Émilienne, Teddy, Gaëlle, Kendall, Lucette, Gaston, Johanna, Elizabeth, Natacha, MH, Aloha, Rudyange, Isajohn, Pa-My, Ber-Mel, Ben-Gus, Will-Teir, Jor-Ali, Ja-Dy, OK Fred et j’en passe

(Linge à Flers-en-Escrebieux.)

Notez que le dernier nom, OK Fred, ferait un super nom de cheval – comme bien d’autres, d’ailleurs.

(Tréport à l’écluse de Cuinchy.)

(Colporteur entre Annoeulin et, en face, Don.)

(Trépidant et Surprenant à Estevelles – leurs voisins sont Remuant et Chahuteur.)

(Denver à Bauvin – la photo est ratée mais je l’ai sélectionnée pour le plaisir de la légender.)

(Country entre Carvin et, en face, Harnes ; la photo est ratée mais j’aime ce nom et sa graphie – je ne suis pas en train de m’excuser, ok ? J’explique, c’est tout, rien ne dissone.)

(Marlin à Douvrin, un matin d’été très tôt.)

(Péniches à Beuvry, un matin d’été encore plus tôt tôt tôt)

Je ne poste pas mes 211 photos de péniches (à ce jour) mais seulement 11. C’est plus raisonnable et néanmoins très frustrant.

Une anthologie

En prévision de ma résidence à la Factorie (Maison de Poésie de Normandie) en janvier prochain, je dois constituer une espèce de mini anthologie de ma propre poésie. Une dizaine de pages – j’ai opté pour l’interligne 1,5 plutôt que double sinon c’était vraiment trop frustrant. Ce matin, j’ai donc relu / re-survolé, avant le lever du jour, mes quatre recueils parus aux Carnets du Dessert de Lune et (c’est une agréable surprise), à une exception près, je les aime encore. Globalement, du moins – j’effacerais bien certaines pages, quand même. Je copie-colle ici un texte tiré de Je respire discrètement par le nez, dont le premier paragraphe m’a fait un drôle d’effet. Je l’ai écrit en 2006 ; je me projette dans un avenir que je pense conjurer en affrontant sa possibilité, or le moment que je craignais alors a fini par arriver, forcément – comme la mort même finira par arriver, qu’on l’ait attendue toute sa vie avec un fusil ou qu’on n’ait jamais pensé à elle. Voici ce petit texte :

           « Oh dormez, dormez mes amis, je veille sur vous. Un jour peut-être je serai si loin ou alors ce sera vous, mais il y aura toujours ce pointillé magnétique entre nous, je pourrai presque voir votre sourire danser avec le mien sur le miroir du salon. Et vous dont je n’aurai jamais vraiment connu le cœur, vous danserez aussi quelque part sur la croûte terrestre et les vibrations de vos pas parviendront jusqu’à moi et je les saluerai des orteils à travers le vacarme tellurique ; je serai assise au bord d’un étang, je regarderai passer les poules d’eau et la mince semelle de mes chaussures ondulera discrètement tandis que des orteils, je vous saluerai.

            Pour l’instant je suis debout sur les pédales de mon vélo pour rouler contre le vent et mes cheveux semblent fous de joie ; certains se détachent de moi et vont poursuivre ailleurs leur aventure dans la matière.

            Quand j’écoute de la musique je pédale très vite et parfois je vis les crescendos avec les pieds. Ce corps m’aura bien servi. Je pense soudain à lui avec affection. Si j’arrête de le malmener, peut-être nous amuserons-nous ainsi encore longtemps.

            Ma concierge dit que d’ici peu, il y aura six nouveaux enfants dans la résidence, elle dit, J’ai peur pour mon sapin de Noël. Je me rappelle le rire de mes amis cet hiver quand les chants électroniques des pères Noël en peluche les accueillaient dans le hall, je souris avec eux, je souris à la concierge. C’est du travail, ce sapin, dit-elle, et j’acquiesce.

            Je monte l’escalier, je lis Top Annonces en chaussettes, je lis des annonces qui ressemblent à ces cheveux que j’ai vus dans la rue ce soir, des cheveux à la couleur étrange, et ensuite il y avait cette voix tout aussi indéterminée que la couleur des cheveux, qui dansait au sommet d’une larme, cette voix était tout ce qu’il m’était donné à percevoir d’une vie tandis que je roulais contre le vent.

            Mes chats sont assis devant la baie vitrée grande ouverte et contemplent l’orage, immobiles, les yeux arrondis, je me demande bien à quoi ils pensent. Si je m’assieds auprès d’eux, est-ce que je verrai ce qu’ils voient ? »

Photo prise à la même époque

Un massacre

Voici une photo du parc Guimier à Sallaumines, celui que j’évoque dans Le sel de tes yeux et dans La geste permanente de Gentil-Coeur. Il ressemblait encore à ça ce matin.

Mais quand je suis passée par là cet après-midi, tous les arbres à droite sur l’image ci-dessus avaient été abattus. Des arbres sains, vigoureux, apparemment vieux, si on se fie à leur hauteur. Pourquoi ? J’ai envoyé un message à la mairie pour le demander, et pour demander si un tel massacre est légal à notre époque où même le dernier crétin dans un bureau sait qu’il y a urgence à épargner la nature. Ça me rend malade.

Et regardez ça, ils ont fait très vite, comme si ça allait passer inaperçu : sitôt abattu, sitôt débité. Il faudrait porter plainte contre ce genre d’agissements, mais ça ne ramènerait pas ces magnifiques arbres à la vie.

Ma discographie complète

Ma chère tatoueuse m’amène aujourd’hui à me replonger dans mon œuvre discographique complète, qui consiste en deux démos. Il y a d’abord eu Toysession ; à la base, c’était Héloïse et moi, puis Olivia, Laetitia et Sophie nous ont rejointes. C’était ce qu’on pourrait appeler de la musique outsider, et pour cause : je faisais les compos alors que je suis une autodidacte très tardive. Les arrangements, en revanche, sont de nous toutes et c’est ce qui me fait tant aimer ces quelques chansons, 15 ans après leur enregistrement dans le studio de mon frère. Sur ces morceaux, je joue de la guitare et chante ; mon anglais (accent inclus) me fait encore plus sourire qu’il ne me fait honte – j’ai la chance de ne pas avoir un ego très développé.

Useless (écrite à ma sortie de coma, en 2006 – c’était ce que nous appelions notre chanson qui plombe la raclette)

Beautiful People (écrit à la même époque, mais dans un registre plus joyeux et coloré)

Florida (une série de cartes postales)

Toy Piano (tourne en dérision les artistes qui ont besoin de souffrir pour créer)

Mon autre groupe était Gloria Hall, qui a aussi débuté comme un duo, avec mon ami Luc, avant que mes trois plus vieilles amies, Aline, Claire et (une autre) Sophie, ne deviennent nos Gloriettes, se trémoussant sur scène et faisant les chœurs. Puis Luc a recruté Julia, notre batteuse. Nous ne faisions que des reprises, de Jimmie Rodgers aux Ramones.

Baby, It’s You (David, Dixon, Bacharach – nous écoutions la version des Shirelles)

Iko Iko (de James « Sugar Boy » Crawford, devenu un traditionnel de La Nouvelle-Orléans ; notre version de référence était celle des Dixie Cups)

My Heart Belongs To Daddy (Cole Porter) ; ici c’est mon amie Sophie qui chante

C’est amusant, quand j’y pense : je n’ai gardé que cinq amis vraiment proches de mes trois décennies lilloises et il se trouve que j’ai fait de la musique avec eux tous. Ce matin, j’ai décidé que je voulais ces musiques-là à mon enterrement : fini de me casser la tête et de changer constamment de playlist. Cette poignée de chansons maladroites, c’est aussi le souvenir de moments de grâce et de fous rires, de création et de connivence avec des êtres chers – parmi les plus chers – et indéfectibles.

Si vous insistez, un jour je vous ferai écouter les bootlegs de Toysession.

Mes processus réversibles

Il y avait autrefois sur ce blog une rubrique qui s’appelait processus réversibles et qui documentait une pratique poétique en mouvement. Il s’agissait de poèmes que je scotchais dans l’espace public ; je désignais certains d’entre eux comme des prières et les laissais donc le plus souvent à proximité d’un symbole religieux. Je photographiais le poème scotché au mobilier urbain et, d’autre part, les coulisses du processus réversible, à savoir le rouleau de scotch in situ. Le nom de « processus réversible » vient tout simplement du premier poème (ces happenings étant biodégradables, j’ai conservé le terme pour la série entière), qui date de janvier 2018 :

Tout ceci se faisait en courant – c’était l’époque où je courais avec appareil photo, papier, stylos, craies, scotch, ciseaux et parfois accessoires – on le verra plus bas. Cette série était parallèle à celle des patenôtres, prières en short dont vous pouvez encore voir les traces sur la page Ma pomme de ce blog.

Quelques-uns de mes processus réversibles favoris :

et son binôme, que j’aime beaucoup (ces deux photos ont été prises dans mon arrière-monde ronchinois préféré)

mes photos de making-of préférées :

Tout à l’heure, en tombant sur le dossier dans lequel je consigne les traces photo (souvent très moches, j’en conviens) de cette lubie qui m’a tenue quelques semaines en 2018, je me suis dit que c’était vraiment un chouette concept et que je le reprendrais bien. Oh oui, tiens, je vais faire ça. Je vous en donne des nouvelles très bientôt.