hors du temps

Il y a un an + un jour, j’arrivais à la Factorie, Maison de la poésie de Normandie, et je proposais à mes camarades poètes qu’on se retrouve à 19h pour l’apéro – ce que nous avons fait, et nous avons parlé et dansé jusque tard ; le lendemain et les jours suivants, nous ne nous sommes pas donné rendez-vous, nous nous sommes spontanément réunis. Chaque soir, nous avons dansé ensemble, écrit ensemble, lu ensemble, cuisiné ensemble, construit, échangé, exploré. Ces dix jours auront été parmi les plus intenses, étranges et fascinants de ma vie et je sais que certain.e.s de mes ami.e.s ont vécu la même chose car nous en parlons encore parfois. Demain, ça fera un an qu’un sanglier m’a chargée dans la forêt de Bord puis que j’ai vu sa magnifique harde dévaler un vallon – ensuite de quoi Maud puis moi verrions un sanglier décapité vers le Lac des Deux Amants. Je m’attarde sur cet épisode charnière de ma vie (je veux parler de la résidence dans son ensemble), dans ma prochaine parution aux Carnets du Dessert de Lune puisqu’il s’agit de mon journal de résidence à la Factorie – plus d’infos très bientôt et je posterai ici pas mal d’inédits que nous avons écartés du recueil final.

Avec moi sur cette photo souvenir dont je ne me lasserai jamais, Catherine Barsics, Maud Thiria, Anna Serra et Emanuel Campo, de merveilleux êtres humains, de formidables poètes et de très bons danseurs. Amour éternel.

J’ai revu Anna cet été puisque j’ai passé une dizaine de jours en résidence dans sa Ferme de la poésie pulsée, La Perle ; j’ai revu Maud une fois, de passage à Paris ; toujours pas Emanuel, ni Catherine – mais elle, je la verrai bientôt, c’est sûr, et nous allons même écrire ensemble. Ce n’est pas une petite aventure qui s’annonce puisque notre ambition est rien moins que d’écrire et d’imprimer un livre afin de le présenter en performance à l’issue des cinq jours de ma résidence. Cette perspective est très euphorisante.

de la chance

Alors que je travaille sur mon manuscrit sauvage et apprends que ma Suite du sanglier pour chevrotements et chaussettes roses sera publiée au printemps prochain (plus d’infos à venir), je tombe sur des articles qui me font rire aux éclats :

« La probabilité de croiser un sanglier lors d’une balade en forêt est infime, voire inexistante. (…) Leçon 1 : si vous avez la chance d’observer un sanglier en forêt, savourez le moment car c’est extrêmement rare. » (Le Républicain Lorrain, 2017)

« S’il vous arrivait de rencontrer un sanglier lors d’une promenade en forêt et qu’il vous attaque, dites­-vous alors que la chance vous a quitté définitivement. » (Le Journal du Centre, 2018)

Or ma fracassante rencontre avec un sanglier dans la forêt de Bord, le 12 janvier dernier, a précédé d’une heure à peine la vision sublime et inoubliable d’une harde entière dévalant un vallon et a aussi ouvert de manière flamboyante l’une des plus belles années de ma vie. Donc je suppose que ces deux phrases sont également vraies, si l’on fait fi du définitivement – et à ceci près que la première ne concerne sans doute pas les hominidés teubés qui courent à l’aube dans la brume, comme c’était mon cas.

(le lieu de la rencontre musclée, pris en photo avec mon téléphone quelques secondes avant la rencontre musclée + quelques minutes après un pipi nature décomplexé en plein habitat des autres)

Marie-Jo et Monique

Depuis longtemps, chaque fois que je passais dans une certaine rue de Grenay, je contemplais deux jardins dont les décorations me semblaient relever de l’art brut. Dans le cadre de ma collaboration avec un compositeur lillois (+ un poète + un ensemble vocal, etc.), j’ai osé contacter les habitant.e.s des maisons concernées ; j’ai trouvé leur numéro dans les pages blanches et rendez-vous a été pris pour le lendemain (c’était avant-hier) chez Marie-Jo, avec sa voisine Monique, puisque ces deux artistes sont des femmes – dans la page que L’Inventaire général du patrimoine culturel consacre aux Jardins étonnants en Nord-Pas-de-Calais, on ne trouve strictement que des hommes.

J’ai donc eu l’occasion de discuter des techniques et inspirations de ces dames mais aussi de leur vie et de leur vision du bassin minier. Mini extrait :

J’ai été très bien accueillie, comme on peut le voir ci-dessous – Marie-Jo me montrait ses œuvres d’intérieur.

J’ai aussi rencontré en elles de sacrés personnages : écoutons Marie-Jo écourter une discussion téléphonique indésirable.

J’ai passé deux heures avec ces dames et je ne me suis vraiment pas ennuyée… J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à tirer un long poème de cette conversation et maintenant j’ai un peu le trac : que vont-elles en penser ? La réponse la semaine prochaine, quand je leur en apporterai une impression, rendrai sa crème cicatrisante magique à Marie-Jo (qui a eu pitié de mon coude marqué par une chute fracassante tandis que je courais à Londres au bord d’un canal) et recevrai l’arbre à perles qu’elle a commencé pour moi.

des vacances efficaces

Cette semaine, Valentina et moi avons profité de nos vacances pour préparer un événement dont je parlerai bientôt – nous sommes en train de finaliser le programme – et pour imaginer ensemble un objet hybride que nous espérons pouvoir présenter au public à cette occasion, si les délais de fabrication le permettent. Je trépigne de hâte – en attendant, j’ai encore pas mal de travail. J’ai aussi l’honneur d’avoir pris quelques photos d’elle pour la presse et j’en suis d’autant plus fière qu’elles lui plaisent et qu’elle s’y reconnaît. Les deux dernières ne serviront sans doute pas beaucoup mais sont parmi mes préférées.

La vacance poétique de la Perle #1

J’ai fini ce matin le texte que je suis venue écrire dans le Morvan, plus précisément à la Perle, dans des conditions d’hébergement amusantes à savoir dans un dortoir (ça faisait trente ans que je n’avais pas fait ça), dans une ferme en travaux qui n’a pas l’électricité à tous les étages (on accède au premier par une échelle), à la lisière d’une forêt pleine de sangliers. J’y suis jusqu’à lundi matin en compagnie des poète.sse.s Anna Serra, maîtresse des lieux, Marion Renauld et Cédric Lerible, qui sont des amours. Hier, avec Marion, Cédric et un ami voisin de la Perle (Evan, 10 ans bientôt 11), nous avons marché dans la forêt pendant plus de deux heures jusqu’à un ermitage très mystérieux et de ce que les gens d’ici appellent apparemment le carré des sangliers, nous sommes passés auprès de souilles mais je suis restée digne et je me suis même éloignée un bref moment de mes camarades pour faire un pipi nature. J’ai regretté de ne voir aucun sanglier parce qu’avec eux, je n’aurais pas eu peur et je serais désormais réconciliée avec l’idée d’aller en forêt. Une autre fois… Vous pouvez découvrir le texte et les photos Ici bientôt, fruits de ma résidence, sur une page de ce blog dans le menu ci-contre ou en cliquant ici. En attendant voici, 7 photos de la promenade en forêt. L’entrée,

plus loin les dernières traces de la civilisation

avant la sauvagerie

et un ermitage bien fondu dans la végétation

nous étions quelque part au-delà de ces champs et pâtures

puis nous sommes rentré.e.s à Montigny-Saint-Barthélémy vers 20h (heure du dîner pour les animaux sauvages) par le mignon petit pont au-dessus du Serein et de ses nénuphars.

Weird in the wild

Trop weird pour n’être qu’un / 3, ces souvenirs d’une séance de photos avec Valentina et Laila – musicienne dont j’aime beaucoup le travail et qui figure également dans mon répertoire de créatrices sonores. Nous avons pris un train pour Hampstead Heath, la lumière était plus vive que nous ne le souhaitions mais nous avons essayé d’en jouer ; les réflecteurs sont devenus des accessoires. Nous faisions des essais pour la pochette d’un album à venir que je suis l’une des deux seules personnes à avoir entendu à ce jour, s’il m’est permis de frimer un peu, et dont je pressens qu’il ne passera pas inaperçu. Voici donc trois photos qui ne nous serviront pas et qui révèlent parfaitement l’esprit de ce que nous avons essayé de faire.

Nous avons beaucoup ri, sous le regard blasé d’un renard de format saint-bernard.

Cette sacrée rotondité

Voici enfin quelques images du 5 mai, à Regnéville, où Emmanuelle Polle, Aude Rabillon et moi-même avons performé notre pièce à trois voix pour la première fois.

C’était dans la salle des fêtes de Regnéville-sur-Mer.

Ici, nous sommes entourées par les allié.e.s de rêve, Claire Crosville et Pascal Benning. C’était un bonheur de travailler et d’échanger avec eux.

L’évaporée

C’est désormais officiel : L’évaporée, mon roman à quatre mains avec Wendy Delorme, paraîtra aux éditions Cambourakis à la rentrée de septembre. Le livre est parti en impression hier et nous l’avons présenté cette semaine aux représentants d’Actes Sud – une drôle d’expérience : c’était en visio et nous ne pouvions pas voir à qui nous nous adressions, par ailleurs c’était la première fois que Wendy et moi parlions de notre livre en public, la première fois que je me pliais à l’exercice en duo. C’était rassurant et en même temps ça me donnait une forme de responsabilité dont je n’avais encore jamais fait l’expérience. J’aime beaucoup notre roman ; j’en parlerai en détail en temps voulu mais je peux déjà vous dire que nos deux univers / écritures / temporalités créent une dynamique très particulière, dont je mesure seulement aujourd’hui l’efficacité. C’est sans doute mon roman le plus efficace et ficelé à ce jour – comme Wendy et moi le souhaitions. Je suis aussi très heureuse d’avoir travaillé avec Laurence Bourgeon, éditrice attentive, minutieuse et toujours ouverte à la discussion (nous avons beaucoup parlé de virgules – ce n’est pas une légende : les auteurs et les éditeurs parlent énormément de ponctuation), y compris pour le choix de la couv. J’ai suggéré que nous pourrions utiliser une photo de Bérangère Fromont, photographe dont j’aime énormément le travail et qui se revendique de la communauté LGBT. Je vous dévoilerai la couverture de L’évaporée en juin quand nous aurons reçu nos exemplaires mais, en attendant, voici une photo de Bérangère Fromont que nous n’avons pas choisie ; c’était l’une de nos préférées, à Valentina et moi ; celle qui a fait l’unanimité entre Wendy, Laurence et moi est tirée de la même série. J’ai découvert le travail de cette artiste dans la revue Femmes Photographes, que mon amie Aude Rabillon m’a mise entre les mains. Je lui dois donc la super couv de mon prochain roman <3

© Bérangère Fromont

superficie

Je devais donc participer aujourd’hui à une grande fête et lancer la Maison de la poésie de Bordeaux en formidable compagnie, au lieu de quoi je n’ai pas vécu cette journée – passés les premiers moments où, à peu près disponible intellectuellement quoique l’œil éteint, j’ai pu discuter avec mon amoureuse, elle sur son oreiller des Pouilles et moi sur mon oreiller minier, puis elle s’est levée tandis que je suis restée amorphe, assommée, incapable de bouger seulement le bras pour répondre à ses messages pendant parfois des heures. Une journée à dormir, la tête pleine de sable. Une journée pas là. Une journée pour rien même si elle dit que ça n’existe pas et que mon corps a ses besoins, que je dois respecter. Au milieu de tout cela, un appel des finances publiques : Monsieur A. me demande quelle est la superficie de ma maison. Excellente question, man. J’ai l’impression d’avoir pris du LSD (c’est du moins l’idée que je m’en fais), je dis, Oh là, je peux vous dire ça plus tard ? Je n’ai pas de mètre-ruban sous la main. Il dit que lui, c’était la semaine dernière, sa session couette pour cause de grippe. La semaine prochaine, je sautillerai à Londres. Pour l’instant, mon univers a la superficie de mon lit et se complique parfois d’un ou deux escaliers. Tout le reste me manque, mon truc c’est plutôt le mouvement.

Pour l’occasion, voici les photos qui auraient dû défiler derrière moi ce soir à la MdP de Bordeaux, celles que l’on trouve dans La Geste permanente de Gentil-Coeur mais – exceptionnellement – en couleurs. La première montre des arbres et un joli panneau à la camp scout qui n’existent plus, rasés par la ville de Sallaumines pour en faire un parking. Sur la sixième, on voit une pie harceler un chat – je jure que ça s’est vraiment passé.

Un beau voyage

J’ai beaucoup pleuré aujourd’hui : de rire, d’abord, à devoir m’éponger les yeux et me moucher, grâce à nos odieux touristes. De gauche à droite, Thérèse (maman), Bernard, Didier (papa), Paulette, Barbara, Jacqueline (floue) et Christine.

Puis d’émotion quand ce groupe d’enfants – ils sont en primaire – a chanté Wiegala, berceuse composée par Ilse Weber dans le camp de concentration de Terezín, morceau que j’ai proposé pour accompagner les passages illustrant les migrations humaines puisque notre pièce oscille entre humour (très très) grinçant, satire et gravité

Le chœur d’enfants est accompagné par nos super musiciennes, Nathalie au piano, Marie (sa fille) à toutes sortes d’instruments, parmi lesquels violoncelle, contrebasse et trompette, et par Astrid, à la direction et au basson. Soit nos traditionnelles collaboratrices dans ces projets théâtre-musique-chant que mes super hurluberlus et moi menons depuis dix ans, en grande partie grâce à l’investissement précieux de mes parents.

Ici, ma mère est présentatrice de JT.

Et maintenant, Anne Sofie von Otter interprète Wiegala.

Plein de bisous à notre Gigi, qui n’est pas parmi nous cette année. On se rattrape l’année prochaine…

Le passage qui me fait le plus rire est interprété par Paulette, hôtesse de l’air SM ; en atelier d’écriture, nous avons écrit cette tirade en imaginant une série de traductions automatiques toutes catastrophiques.

« Mesdames et les autres, bonjour, je suis Charlie Tango, ton chef de cabine. Le commandant de bord Bruno Tango et l’ensemble de l’équipage ont l’extase de vous asseoir à bord de ce Boeing 747. Nous nous garantirons de votre sécurité et de votre aise et mettons tout en œuvre pour que vous arriviez indemnes à destination de Kawa. Le temps de vol sera de 5 ou 10 heures.

Nous vous souhaitons un très bon itinéraire. Nous vous enseignons que les bagages à main doivent être placés dans les coffres-sièges devant vous. Les portes et issues de secours doivent être dégagées au cas où. Veuillez bien retirer les piles de vos cellulaires, et ce jusqu’à l’arrivée au parking, merci. Nous vous rappelons que ce vol ne fume pas, même strictement dans les cabinets. Les démonstrations de sécurité vont vous êtres présentées sur la télévision, merci de nous accorder attentivement.

Chaque fois que ce signal est enflammé, vous devez vous attacher solidement par la ceinture pour votre sécurité. Nous te recommandons de la maintenir accrochée visiblement si vous êtes assis. Pour détacher votre ceinture, hissez la partie supérieure de la boucle. Les gilets jaunes sont situés sous votre séant. En cas de dépression de la cabine, un masque à oxygène vous tombera automatiquement dessus. Libérez le masque pour tirer de l’oxygène. Placez-le uniquement sur votre visage. Une fois votre masque apprêté, il vous est possible d’aider des personnes défavorisées. En cas de fuite, un néon dehors vous permet de deviner l’issue de secours la plus proche de votre chaise. Elle peut se situer derrière toi ou pas, de chaque côté de la cabine, à l’avant, au centre, ou pas, sois vigilant. Pour évacuer l’avion, suis l’équipage, qui testera automatiquement les toboggans.

Nous devrions bientôt nous envoler. Votre tablette doit être rangée, votre chaise relevée. Nous te remercions d’avoir choisi la compagnie et te souhaitons un agréable courage à bord. »