Adieu jardin mellifère : ma voisine a demandé incidemment à mon amour quand nous avions l’intention de tondre la « pelouse », se disant dérangée par les aigrettes de pissenlits. Pour la première fois en 45 ans de carrière sur cette planète, je passe donc la tondeuse. Je vois les pâquerettes et les pissenlits disparaître, broyés sous le bruyant engin, et ça n’a aucun sens ; je vois fuir les abeilles, guêpes, bourdons et papillons, espère que je ne massacre pas trop d’insectes, pas trop d’escargots, de limaces et d’araignées en même temps que je décapite ces belles fleurs.
Nous décidons de conserver un espace de liberté à l’usage de toutes ces espèces, au fond du jardin, autour du figuier qui a vécu sept ans dans ma cour commune à Lille et qui s’épanouit aujourd’hui en pleine terre. Malgré tout, mon amour et moi sommes déprimées ; nous décidons de semer des graines de fleurs des champs avant la pluie pour racheter cette barbarie, rêvons de nous réveiller un matin pour trouver une prairie piquetée de couleurs et des insectes encore plus heureux bourdonnant à sa surface.
Que regarde mon amour, au retour de la jardinerie ?
Un oiseau.
Et, près de chez nous, il y a un zeppelin.
Moins aérien : en route, nous croisons un gant XXL. Plus grand que mon pied (pointure 39,5). Où est Oasis ?
De retour à la maison, nous jardinons jusqu’à ce que le croissant de lune devienne flou. Vous êtes acharnées, ce soir, commente ma voisine. Il est vrai que mon amour mériterait autant que moi la devise que mes amies m’ont attribuée, il y a bien longtemps : Toujours tout dans la mesure.
Par ailleurs, je suis inquiète. Dame Sam montre des signes de sénilité alors qu’elle doit vivre pour toujours et la poulette de Danny a disparu depuis une dizaine de jours – je ne suis pas sûre de vouloir savoir ce qu’elle est devenue.