Aujourd’hui, j’ai découvert le terril 107 dit 4 d’Oignies, sis à Carvin. Il ressemble à ça depuis le terril 115 dit du Téléphérique, sis à Libercourt – la photo date d’un autre jour, plus nuageux. 107 n’est ni aussi petit ni aussi simple qu’il n’y paraît.
Il était un peu plus de 6h, ce matin, quand j’ai filé sur Mon Bolide et une longue route déserte, j’étais si joyeuse que j’ai chanté toutes les chansons qui me traversaient l’esprit et annoncé aux oiseaux que j’étais aussi libre qu’eux, il n’y avait pas de vent et les couleurs étaient tendres comme du sucre.
Puis j’ai slalomé à travers champs dans des ornières de tracteurs et j’ai fini par me trouver sur le flanc du 107, presque sans l’avoir vu venir tant la végétation était dense à son pied. Son exploration m’a ravie, je ne m’attendais pas à tant de splendeurs et merveilles, à tant de bois, de marais, de roselières,
ni à tant de lapins et de loriots stridents – trop vifs pour que je les prenne en photo, les oiseaux jaunes, contrairement aux lapins qui étaient encore au petit-déjeuner ou en pleine toilette.
Je me suis arrêtée plusieurs fois pour étudier le paysage et, à un moment, mon œil a été attiré par cette mignonne mini chenille. On devine sa taille en comparaison avec la samare de frêne floue dans le coin supérieur gauche de la photo.
J’ai eu, en voyant cette grâcieuse chenille, une espèce d’épiphanie : elle était là, à cet instant de sa vie, me suis-je dit, puis je me suis rappelé que moi aussi, j’étais là, à cet instant de ma vie. Personne ne savait que je m’y trouvais, il n’y avait aucune nécessité à ma présence en ces lieux (une heure plus tôt, je ne savais pas encore où j’allais me rendre) et je suppose qu’il en allait de même pour cette chenille. Elle se tendait vers moi, de temps à autre, pour preuve qu’elle et moi partagions ce hasard.
On vit des choses étonnantes et fortes quand il n’y a aucun congénère aux alentours ni aucune forme d’interaction à gérer, que l’on est disponible à ce qui nous entoure avec rien d’autre à faire que d’être là, en vie, dans l’odeur organique du sous-bois encore humide à cette heure matinale, entourée d’espèces qui tutoient la nature plutôt que de la détruire. Je me suis promis d’amener bientôt ici la seule humaine auprès de qui je peux vivre ce genre de moment avec le même abandon – et avec, en plus, un sentiment de complétude. Nous, par hasard, dans l’univers immense : la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, si belle qu’elle a toute l’apparence de la nécessité.