Aujourd’hui, sur l’insistance de Carrie, je consacre une série de photos à mes amies les oies, qui vivent des heures très sombres sous la menace de H5N8. Je l’ai prévenue qu’il n’y aurait pas qu’elle dans cette série mais à ma surprise, elle ne s’en est pas offusquée : il faut de l’ombre pour qu’on apprécie la lumière, m’a-t-elle dit. Voici donc, dans un premier temps, des oies de Faches-Thumesnil, Ploegsteert et Rotterdam.
– C’est bon, maintenant, dit Carrie : fiat lux ! Le truc vraiment crétin, c’est que tu aies mis en ligne hier ta meilleure photo de moi. Celle où je danse.
– Je pensais que ça te ferait plaisir.
– Essaie de ne pas trop penser, à l’avenir : pose-moi les questions. Montre-moi sous mon meilleur jour, tiens, avec Ricah.
– Ok.
J’essaie de ne pas trop la contrarier. La voici donc avec son indéfectible amie Ricah, nageant innocemment sur son étang.
Ce genre de scène ne dure jamais très longtemps. Si Carrie est extrêmement patiente avec les pêcheurs, promeneurs, chiens et enfants, elle ne supporte pas que je m’attarde trop à la contempler : très vite, elle fonce sur moi, qu’elle soit sur l’eau ou dans l’herbe, en poussant des cris perçants.
Ça réjouissait beaucoup mon amour jusqu’au jour où, comme on le devine ci-dessous, Carrie a commencé à lui infliger le même traitement qu’à moi. On a vu alors mon amour battre son record de vitesse à vélo – elle devait son précédent record à un petit chien qui l’avait poursuivie en pleine campagne, près d’Estevelle, il faisait chaud ce jour-là et je roulais indolemment quand elle m’a dépassée à une vitesse que je ne lui avais jamais connue, et ce petit chien pas plus grand que mon pied bondissait derrière elle.
Carrie vient de me reprendre : « On n’est pas là pour parler de cette insolente », me dit-elle (elle trouve que mon amour ne lui témoigne pas assez de déférence). « Je veux une photo en noir et blanc, moi aussi, un truc qui me magnifie ». Voici :
Carrie est charismatique, une véritable meneuse ; elle ne comprend pas que je ne l’aie pas encore précisé ici, et à vrai dire moi non plus. Nous l’avons constaté : quand Carrie traverse le parc, c’est bien souvent flanquée de Ricah mais aussi de tout ce que l’étang compte de canards, poules d’eau et foulques. C’est une parade joyeusement cacophonique et s’il se trouve des humains dans les parages, ils s’arrêtent pour les regarder passer en riant avec admiration. Je ne dispose pas de photos qui en atteste mais je me rattraperai prochainement. « Tu n’as qu’à mettre une mini série de moi », me dit-elle à présent.
« Et profite de ta réclusion pour fabriquer un char à mon effigie comme celui d’Hergnies ». Eh bien, il ne me reste qu’à me mettre au travail…