Je me réveille, Dame Sam s’étire sur mon ventre et je constate l’absence de mon amour à ma gauche et la présence de bouchons en mousse dans mes oreilles – je les ai mis vers 23h, après m’être disputée par SMS avec ma voisine, et après qu’elle a conséquemment claqué autant de portes qu’elle a pu.
(Ma chambre vide.)
Sur le site de Pitchfork, aujourd’hui, un hommage à Stevie Nicks. Je ne sais pas ce qui me pousse à écouter en ligne les deux derniers albums de Fleetwood Mac que je me sois procurés à leur sortie et dont à l’époque j’ai usé les cassettes (j’avais les Greatest Hits en 33 tours – Hold Me, Tusk et Dreams étaient mes préférées, et aussi Sara, et The Chain mais il est sur Rumours), à savoir Tango in the Night en 1987 et Behind the Mask en 1990. Ce n’étaient vraiment pas leurs meilleurs LP mais leurs mélodies sucrées ont conservé des souvenirs extraordinairement précis de mon adolescence : Sky is the Limit dans les graminées, à l’écart du lac Majeur où mes cousins se faisaient des potes italiens qui leur apprenaient des gros mots – va fanculo, ah ah. Et moi, dans mon casque en mousse : Love, love, love / Love is dangerous. Mon autre groupe culte était (depuis plusieurs années déjà) The Smiths. L’année suivante je découvrais Sonic Youth.
Ce matin, je fais des recherches sur les cavaliers miniers en écoutant des albums de Fleetwood Mac. Depuis mon passage à la musique dématérialisée, je n’ai conservé que ceux-ci :
Fleetwood Mac, période américaine, nous offrira donc assurément
La musique du jour
Ce matin, j’ai du mal à me dire que la vie n’a pas repris son cours habituel comme c’est le cas dans la maison – qui n’est plus Socorro mais n’est pas pour autant redevenue mon Vaisseau Fantôme. Son nouveau nom lui viendra bien assez vite, sans que j’aie besoin d’y réfléchir. En attendant, j’essaie de me souvenir que la pandémie sévit encore, de même que les règles de confinement. Je dois me faire violence pour ne pas retourner voir les cavaliers d’Avion que j’ai découverts par hasard au mois de janvier, bien trop loin de chez moi selon la règle qui nous empêche d’occuper l’espace – règle absurde qui montre à qui ne l’aurait pas encore compris que la pseudo évolution de l’espèce a atteint un point de non-retour. L’impossibilité dans laquelle je suis de me déplacer m’est d’autant plus difficile à comprendre que j’écoute ces chansons pour la première fois depuis l’adolescence. C’est le même territoire, la même bande son, la même solitude, alors quoi ? Que s’est-il passé de si terrible, ces trente dernières années, se demande l’adolescente que je fus, pour que tu n’aies pas le droit de parcourir le bassin minier, le 17 avril 2020 ?
Le vide du jour
et
Le gant du jour
me rappellent assez rapidement aux réalités de ce printemps. Le gant ci-dessous a jauni en vieillissant – à sa teinte, je lui aurais donné plusieurs mois, voire plusieurs années. Mes souvenirs d’adolescence ont moins mal vieilli, comme en atteste Fleetwood Mac dans mon casque (j’ai décidé de poursuivre en mouvement l’expérience de rétrospection). Notons que certains gants se grisent tandis que d’autres jaunissent.
Ce matin, les lapins sont peu nombreux mais ça me fait du bien d’être « à la maison », comme mon amour appelle le spot : ça me donne l’illusion que si je cesse de guetter les lapereaux, la main en visière, je n’ai qu’à me pencher vers elle pour l’embrasser, respirer sa peau et plonger dans son regard noir intense (genre chocolat noir à 85%). Je salue aussi son poney rouillé.
(Où sont lapins ?)
Ce soir, après avoir écrit plusieurs pages sur les terrils, je rends visite à Danny (pas trace de sa poulette), il est super content de sa demi-carotte bio (on fait moitié-moitié, mon ami et moi) mais le fermier voisin vend ses produits et des gens commencent à faire la queue sur la route, alors je m’éloigne en apnée. (Je n’ai pas encore dit, je crois, combien j’étais devenue forte en apnée. Dès lors que je suis obligée de croiser quelqu’un sur un trottoir, je tourne la tête à 90° dans le sens opposé, tout en retenant mon souffle, de vingt mètres avant à vingt mètres après.) Je rentre avant l’orage.
Le conseil lecture du jour
Je vous donnerais bien, pour une fois, un bon vieux conseil lecture des familles, avec un nom d’auteur, un titre, un éditeur et un prix à virgule. Je pensais à ce livre en courant ce matin, parce qu’il serait à la fois un conseil de lecture et un conseil d’écriture : quand je l’ai lu, je me suis dit que chacun devrait en écrire sa version. Son auteur vit dans le même département que moi, nous nous entendons bien ; sa fille a fait partie d’un groupe qui mélangeait punk et krautrock avec beaucoup de talent ; un jour, alors que nous allions faire une lecture à l’Hybride (Lille), il m’a offert celui de ses livres que je vous aurais bien conseillé aujourd’hui, et qui à l’époque venait de paraître en poche. Ce faisant, il m’a dit « Je pense que ça pourrait te plaire » et c’est effectivement mon préféré de lui. Trouvez l’auteur et le titre du roman dont il est question et gagnez ma considération pour vos dons de détective.
Nouvelle rubrique :
Des vieilles photos que j’ai prises
(C’était un soir aux Périseaux, il y a un an et demi.)