Je fais le test : je cours en cercle autour du stade Léo Lagrange, à deux pas de chez moi. Le tour complet fait 1,5 km, pas si mal. C’est d’ailleurs un beau stade, j’aime beaucoup ses couleurs toujours comme neuves. Et je me rappelle que, quand je menais l’enquête sur la jeune athlète, il avait une aura quasi légendaire à mes yeux. Mais comment fait la jeune athlète pour supporter l’ennui de courir en orbite autour d’un terrain?
(Le 24 octobre 2018, jour où j’ai découvert le nom de famille et l’adresse de la jeune athlète.)
(Ce matin.)
Il y a deux autres joggeurs dans le stade, une dame saumon et un monsieur anthracite ; tous deux courent dans le sens des aiguilles d’une montre, ce qui ne me viendrait pas à l’idée. De toute façon je préfère les croiser brièvement, faire une embardée de cinq mètres à leur gauche, la tête sur l’épaule droite et la respiration coupée, deux fois par tour, plutôt que de les doubler laborieusement tandis que le vent acheminerait leur souffle pestilentiel jusqu’à moi. J’aime beaucoup ce stade et sa mappemonde artistique mais je tiens trois tours avant de filer dans les rues vers la Grande Résidence et le reste du vaste monde.
Le vide du jour
Des vides de Sallaumines qui sinuent presque autant que les pistes immaculées du stade Léo Lagrange.
Ici aussi, entre la cité de fosse 13 et la voie ferrée, il y a un terrain de foot peu usité.
Le printemps dernier, j’ai écrit une chanson de geste qui a pour cadre le parc de la jeune athlète ; c’est un texte (qui se veut) plutôt drôle et dont un des motifs récurrents est le vide : par endroits, j’énumère les rares individus humains, canins et aviaires que j’y observe au fil des heures. Que ce parc soit interdit aux riverains me semble encore plus absurde que la fermeture du 11/19 – sous étroite surveillance puisque ma mère m’apprenait ce matin qu’une de ses copines y avait été interpelée à 7h du matin par trois policiers. C’est pousser un peu loin l’héroïsme national. Quelle est la limite au-delà de laquelle un fonctionnaire zélé devient un collabo ?
La musique du jour
From Gardens Where We Feel Secure est un titre de circonstance. La musique mélange sucreries (par endroits très kitsch) et field recordings d’une manière assez plaisante et fraîche, composant des paysages sonores bucoliques et, par endroits, villageois.
Et quand on n’a pas de jardin, pas même un jardin mental, où se sentir en sécurité,
on peut toujours (et ce sera
Le conseil lecture du jour)
épier ses voisins, lecture toujours inventive, vieille comme le monde et particulièrement excitante en temps de crise. On peut même y intervenir, comme dans les livres dont vous êtes le héros, par la solidarité, par l’apéritif à travers le grillage ou par la délation. Une collègue de mon amour fait des apéros Skype avec ses amies et toutes se plaignent que leurs voisins sortent trois fois par jour. Elles hésitent à les dénoncer parce que si tout le monde faisait comme eux. Je parie qu’elles applaudissent à leur fenêtre, tous les soirs à 20h. Quelle est la limite au-delà de laquelle un citoyen solidaire devient un collabo ? Elles devraient payer leurs voisins pour alimenter leur discussion, voilà ce qu’elles devraient faire.
Ce qui arrive quand on laisse un parc ouvert à Lens (1) :
(À suivre…)
Aujourd’hui, je suis à cran, la misanthropie me donne des courbatures.
Le détritus du jour
s’est pendu, je le comprends.
La bonne nouvelle du jour
Demain soir, pleine lune pour tout le monde ! En attendant, je ne sais pas… Le vaste monde poursuit sa parade de printemps sans nous – bien mieux sans nous.
Je me couche tôt avec un livre et un chat, je n’ai aucune peine à lire, ce soir, je mange 150 pages avant de tomber enfin de fatigue.
Mon relevé du jour
Lapin(s) : 7 (pour cause joggeuse avec cheveux verts et chien baveux format bœuf – vandales)
Piéton(s) : 11, dont 3 m’ont rappelé cette scène de Délivrance
Joggeur(s) : 5
Contrôle(s) de police : 0
Douche : Oui