Il y a un an, Valentina et moi étions à Los Angeles. Cette année, j’y serai aussi un peu, d’une certaine manière : lundi (22) à 18h, heure française, un de mes mix sera diffusé sur les ondes de Dublab, prestigieuse radio de la mégapole, à l’invitation de Christeeeene, que je remercie infiniment pour sa confiance. Pour en savoir plus, cliquez ici
Au programme :
Katie Lou McCabe – Little Girl Lost Bethan Kellough – A Song of Wings Valentina Magaletti – She_Her_Gone Olivia Block – En Echelon Native Instrument – Vögel Unserer Heimat Jennifer Walton – Throat Doxx Klein – Hope Dealers Jouska – Everything Is Good Lost Girls – Drive Jessica Sligter – The Endless End Pôm Bouvier B – Jurmo Voice Actor – Love
Après des années à recenser quelque 2400 femmes, trans et non-binaires œuvrant dans les musiques expérimentales, des mois de recherches, d’écriture, de traduction, d’échanges avec des labels, des artistes, des photographes, je suis en train de lire les épreuves de Basta Now – notre graphiste Karolina m’envoie les chapitres à mesure qu’elle les met en page. Évidemment, nous sommes en retard puisque le livre doit partir en impression lundi, mais j’ai bon espoir qu’il soit prêt pour son lancement le 8 mars au Café Oto, à Londres, pendant la résidence de Valentina. Ce sera la première publication papier de Permanent Draft, notre label. Il sera présenté en même temps que nos deux premiers vinyles, dont je suis très fière et dont je parlerai en temps voulu.
Au cours de ces dernières semaines, pour récupérer des crédits photographiques, j’ai contacté par Internet de très nombreux-ses artistes dont la générosité, la disponibilité et la simplicité m’ont tour à tour émue et euphorisée. Je sais déjà que j’en rencontrerai quelques-un-e-s au lancement, qui nous feront l’amitié d’être présent-e-s. Gratitude éternelle à elles, à eux, ainsi qu’aux labels et aux agent-e-s.
Permanent Draft n’a encore sorti qu’une cassette, c’est vrai, mais elle est dans le TOP 100 de l’année de The Quietus, à la place 43 – très beau nombre premier dont j’espère qu’il nous portera chance. Merci à Jennifer Lucy Allan pour son enthousiasme. C’est avec elle que je m’entretiendrai au Café Oto, à Londres, le 8 mai 2024, pour le lancement de mon livre sur les femmes, trans et non-binaires dans la musique expérimentale, qui sera donc la deuxième parution de Permanent Draft. Des vinyles suivront.
Vendredi, au studio Lolab, à Nantes, les Vertébrales (désormais Aude et moi seules) accueillaient les artistes sonores Anne-Line Drocourt et Marie Guérin, la vidéaste dramaturge Alice Gautier, la plasticienne Marou Gourseyrol et la violoncelliste Soizic Lebrat. Cette photo de groupe prise avec un retardateur sur le téléphone de Soizic nous a fait d’autant plus rire qu’elle semblait illustrer nos thématiques du jour, du flou de la forme en train de s’esquisser à notre expérience de femmes face aux institutions.
La semaine dernière, j’étais en résidence avec Soizic Lebrat à l’abbaye de Noirlac, à Bruère-Allichamps (Cher). Je dois à mon amie Aude Rabillon d’avoir rencontré cette incroyable violoncelliste et improvisatrice, qui m’a donc embarquée à bord d’un projet de livre-disque qui paraîtra l’année prochaine chez Mazeto Square. Soizic a enregistré son Solo Suite dans l’abbatiale, qui a une réverbération de 10 à 13 secondes ; l’ingé son Céline Grangey (dont je me suis rendu compte le jour du départ que je connaissais un très chouette duo dans lequel elle joue, Lila Bazooka) l’a suivie dans ce pari fou.
(Soizic et moi regardons voler un rouge-queue noir dans l’abbatiale de Noirlac. Super photo de Christophe Charpenel, avec son aimable autorisation)
Un rouge-queue noir ressemble à ça (j’ai zoomé, il était perché à 15 m du sol, mon appareil était mal réglé mais ça donne une idée).
Quant à l’abbaye de Noirlac, voici un petit aperçu de son cloître et de ses galeries ; l’abbatiale est la partie la plus haute du bâtiment.
Et moi, qu’est-ce que j’ai fait, pendant cette formidable et trop courte résidence ? J’ai profité du vélo prêté par Valérie (merci encore) pour me mettre en quête de différents centres géographiques exacts de la France (il y en a onze, selon les modes de calcul). Bruère-Allichamps est l’un d’eux. Oui, Mesdames, Messieurs et les Autres, le centre géographique exact de la France trône sur un rond-point,
au cœur de l’activité économique du village.
(à propos d’activité économique, comment appelleriez-vous un salon de coiffure à Bruères-Allichamps ?)
Mais j’ai aussi visité le centre exact de Saint-Amand-Montrond et celui qui se trouve sur l’aire d’autoroute de l’A71 ; une aire à laquelle on peut accéder à vélo, oui. Il faut dire que l’autoroute n’est pas la plus fréquentée de France – ceci n’est PAS une photo de confinement, je l’ai prise mercredi vers 10h30 :
Je ne comprends pas que cette région soit si délaissée, voire méprisée ; en ce qui me concerne, j’y ai tout aimé (sauf, comme partout ailleurs, le sort fait aux animaux). Le bocage est magnifique
les lacs & forêts, pas mal du tout
d’ailleurs les coquets villages centraux- de-France connaissent leurs charmes et n’hésitent pas à les mettre en valeur en portant des T-shirts d’eux-mêmes
voire en hélant sans plus de façons les touristes de passage.
Ci-dessous, on aperçoit le château, l’église et le toboggan de Farges-Allichamps (l’aire de jeu possède un seul jeu, ce toboggan, ainsi qu’un panneau de signalétique pour cadrer l’usage dudit toboggan – la signalétique est dans le Cher comme ailleurs une calamité qui mériterait autant d’exposition médiatique que les punaises de lit).
J’ai aussi écrit sur Bach, sur Soizic, sur la pièce qu’elle a enregistrée à Noirlac, sur l’abbaye, etc. C’était une résidence intense, drôle, chaleureuse, variée, où j’ai ressenti un étonnant sentiment de liberté et d’épanouissement. J’ai aussi vécu un moment de grâce alors que je roulais à vélo dans la nuit noire, en l’absence d’éclairage public, entre l’abbaye et la maison que nous occupions, avec d’un côté le Cher et de l’autre la forêt.
(Photo prise à la sortie de Noirlac, à la lueur de ma lampe de vélo, pour prévenir Valentina qu’à partir de là, tout pouvait arriver)
J’entendais les animaux bouger autour de moi, sans les voir (sans rien voir, que des milliers d’étoiles). Je leur ai raconté mon aventure avec le sanglier de Bord-Louviers ; ainsi, ils savaient que j’étais là même si mon vélo ne faisait aucun bruit et ma propre voix, calme et posée, me réconfortait. Puis, alors que j’approchais de la civilisation (Bruère-Allichamps), Christophe (le photographe évoqué plus haut) m’a dépassée en voiture et il a klaxonné me rassurer. Il avait compris, je crois, que je vivais une grande aventure…
Merci à Charles de Mazeto Square et à Soizic de m’avoir fait confiance.
Il sort aujourd’hui. Spécimens sensibles ne sera pas dans toutes les librairies puisqu’il paraît dans une collection un peu particulière, Récits d’objets, coédition de Cambourakis avec le Musée des Confluences, mais vous pouvez le commander (pour la modique somme de 10 euros) dans la librairie indépendante de votre choix si elle ne l’a pas en stock. C’est un livre important pour moi, qui m’a permis d’aborder enfin de front le sujet qui m’occupe le plus, à savoir le spécisme – cet hyper-racisme sur lequel repose notre civilisation et dont les religions et Descartes ont posé les fondations.
La pièce que j’ai choisie dans les collections du musée, c’est ce canard empaillé très mis en scène.
Le livre fait un état des lieux de la taxidermie, pratique qui ces dernières décennies connaît un étonnant regain d’intérêt, notamment dans l’art contemporain. Ci-dessous, un taxidermiste en activité à Hénin-Beaumont.
Je raconte aussi l’histoire de sept canetons nés dans un bassin de rétention, à l’indifférence générale, et que j’ai essayé de sauver.
Le supermarché, la ville, les pompiers, les associations de défense des animaux n’ont rien fait, malgré mon insistance. C’était l’été 2022. Ironiquement, il y a quelques semaines est apparu, dans la ville coupable (que je ne cite pas dans le livre mais ici je peux bien le faire, il s’agit de Noyelles-sous-Lens) un panneau dont l’hypocrisie m’a laissée sans voix :
(Si vous lisez la dernière ligne, je tiens à vous détromper : non, Noyelles-sous-Lens ne se situe pas en région PACA, nous sommes bien dans les Hauts-de-France)
Car ces canetons sont nés à 300 mètres d’un l’étang, celui-là même où vivait autrefois mes regrettées Carrie et Ricah – ci-dessous maîtresses de chœur, en 2020.
Dans Spécimens sensibles, je questionne surtout les rapports d’homo sapiens aux autres espèces. J’évoque un problème majeur de notre époque, à savoir l’absence d’empathie – j’ai entendu à la radio qu’il y aurait bientôt des cours d’empathie à l’école. Comme si l’empathie était une valeur de type vive la république ou une ligne de conduite que l’on pourrait choisir d’activer ou pas.
Ce livre est un hommage à sept canetons et à un sanglier.
Si j’ai reçu en avant-première le nouveau formidable nouveau recueil de Maud Joiret, c’est parce que j’ai eu l’honneur d’en écrire la préface. Pourquoi cette chance m’est-elle échue ? C’est une longue histoire, qui commence au mois de février au Comptoir du Livre, à Liège, où je suis en résidence avec ma chère Catherine Barsics et découvre la poésie de Maud. J’utilise deux pages de Jerk dans l’un des « chapitres » (voir ici la pile des « livres références »). Quelques mois plus tard, alors que je me rends au festival Leitura Furiosa, je vois dans le TER une inconnue lire Jerk, et j’envoie une photo volée à Maud. Quelques jours plus tard, j’ai le manuscrit de Marées vaches sous les yeux. Merci à Maud pour sa confiance, à Clément Ramos du Castor Astral et à l’inconnue du TER.
Ci-dessous, la jonction de ma préface et du préambule de Maud (déso pour mes ongles pleins de terre, je jardine à mains nues, ces jours-ci).
Comme j’en ai assez des grandes villes, a fortiori des capitales, j’ai demandé à Valentina de m’emmener dans des endroits bizarres. Jeudi, nous avons fait une performance au Pays de Galles dans le cadre du festival Ara Deg de l’adorable Gruff Rhys, en première partie de Rozi Plain.
Le festival avait lieu dans le village de Bethesda, près de Bangor. J’ai testé de nouveaux textes ; une quinzaine de personnes ont quitté la salle, d’autres ont beaucoup ri ; donc mes textes fonctionnent. En attendant d’éventuelles images de la performance, voici quelques photos des moments d’attente dans ces lieux dont Valentina ne m’a pas prédit à tort qu’ils seraient weiiiiiiiird – comme j’aime.
Promenade entre deux lacs avec Gruff, Rozi, son groupe et Valentina.
Petit déjeuner post-nuit quasi blanche dans le café (caffi) de Bethesda, où nous sommes arrivées en tacsi (ça c’est pour les mots qui ressemblent à ce qu’on connaît, le reste est strictement réservé aux Gallois).
Café au buffet de la gare de Bangor, que David Lynch adorerait.
Où je plane dans le ciel de Zebulon (club expérimental de Los Angeles) au son de Candles, extrait du premier album de V/Z (Valentina et Susumu), dont j’ai déjà parlé ici. La vidéo a été éditée et mise en ligne par Valentina hier soir.
Ce pourrait être la BO du manuscrit que je suis en train de finir, un roman de fantômes dont ce sera la troisième mouture, où le mystère s’insinue dans le quotidien, des inadaptées se rencontrent et des esprits tourmentés finissent par trouver la paix – ici, on l’entendra, ils vont jusqu’à danser sur un remix de Laura Cannell par Madame Nik Colk Void. Trois de ces titres figurent vraiment dans le roman. On peut écouter ici ce mix assez acrobatique (je superpose parfois jusqu’à trois pistes, comme dans le précédent Basta Now). Au programme :
Phantom Orchard Orchestra (Zeena Parkins, Ikue Mori, Maja Solveig Kjelstrup Ratjk, Hild Sofie Tafjord, Sara Parkins, Maggie Parkins & Shayna Dunkelman), Over the Gap; LOONY, Summertime/Cigarettes; Éliane Radigue, L’île re-sonante; Pauline Oliveros, Ghostdance: Private Journeys; Meredith Monk, Songs from the Hill: Prairie Ghost; Meg Baird & Mary Lattimore, Ghost Forests: Between Two Worlds; Lena Willikens, Phantom Delia; Lana Del Rabies, Ghost; Ectoplasm Girls, This Is; Cucina Povera, Zoom 0005; Sarah Davachi, Ghosts and All; Bekah Simms, Jubilant Phantoms; Ka Baird, Spiritus Operis; Laura Cannell – Nik Colk Void remix, Closer to Heaven