37 passages à niveau

Vous êtes 37 à me réclamer bruyamment le petit travail photo dont je vous annonçais au mois de mai qu’il serait prêt en septembre 2019. Je suis tellement impressionnée par votre mémoire et touchée par l’intérêt que vous témoignez à mes modestes productions que, pour une fois, je vais tenir ma promesse. Voici, en hommage à ces 37 zélateurs, 37 photos d’un passage à niveau prises entre septembre 2018 et ce jour, au fil de mes courses à pied – soit un palpitant reportage sur le temps qui passe. Les photos sont de mauvaise qualité, puisqu’elles ont été prises avec un téléphone, mais je ne rembourserai rien ; il n’y aura pas non plus de Grand Jeu Concours pour localiser ce lieu auquel j’ai choisi de rendre hommage tout au long de l’année qui vient de s’écouler, vous pourriez le déduire trop facilement du billet dont je fournis le lien plus haut. N’abusez tout de même pas de ma générosité.

Parfois, il y a même de petits événements – autres que le passage d’un train. Ici, une joggeuse est passée juste avant que la barrière ne se baisse : c’est presque une narration.

Si vous avez 10/10 aux deux yeux ou de bonnes lunettes et que vous ne regardez pas ces images sur un foutu écran de téléphone, vous distinguerez un TGV en train de passer sur le talus qui ferme l’horizon.

Hop, un peu de recul :

Là, une voiture brûlée, JMJ !

Un promeneur nocturne.

On pivote légèrement vers la gauche.

Mais oui, c’est un tracteur…

Si vous avez toujours 10/10 aux deux yeux ou fait l’acquisition de bonnes lunettes depuis la photo 19 et que vous êtes passé.e sur un écran digne de ce nom, vous distinguerez un TGV en train de filer sur le talus qui ferme l’horizon.

Vous avez bien lu, sur le panneau ci-dessus : Un train peut en cacher un autre. La preuve.

Et parce que je sais que, tout comme moi, vous avez des plaisirs simples, je vous propose de finir cette série par de traditionnelles Jambes en l’Air – qu’elles soient un au revoir ému à ce qui fut l’un de mes sites privilégiés, la dernière année de ma vie dans la métropole lilloise.

I <3 Scln

Je suis tombée amoureuse de mon nouveau bolide, un vélo rouge qui saute comme un cabri dans les bois et les champs. Et, de fil en aiguille, je suis tombée amoureuse de Seclin. Il me faut d’abord m’excuser d’avoir incorrectement nommé la ZI (ou ZAC) de l’Épinette ASPUZI, dans de précédents billets, quand j’ignorais encore que Seclin était la ville de DEUX zones industrielles : double bonheur, surtout le dimanche – ça tombe bien, parce que le dimanche les berges du canal sont infréquentables, entre les campings sauvages de pêcheurs en tente kaki, les marcheurs nordiques, joggeurs fluorescents et cyclistes coqués coquets. Ici, il n’y a que moi, le dimanche. Le samedi soir, c’est sans doute différent, à en juger par les traces de beaucoup fun devant les hangars :

Le dimanche, tout n’est que lignes pures, jeux de lumière et délectable désolation.

Mais ASPUZI, the real ASPUZI, c’est aussi la couleur et la danse :

ASPUZI est l’antichambre de Seclin. Maintenant, entrons dans le vif du sujet. Quelques chiffres, pour commencer : Seclin, c’est 17,42 km² pour 12 463 habitants (2016), soit une densité de 715 hab./km². Si ça ne vous parle pas, Sallaumines (l’étalon-or de ce blog), c’est 3,82 km² pour 9 799 habitants, soit une densité de 2 565 hab./km². See what I mean? (Ok, il faudrait faire le calcul en décomptant les hectares non habités des ZI, je l’admets sans mauvaise foi, mais dans ce cas il faudrait en faire autant pour la déchetterie de Sallaumines.) Notez qu’en termes de Ville Fleurie, nous sommes à Seclin 3 fleurs – Sallaumines 1.

Le canal de Seclin n’y est sans doute pas pour rien, bien sûr, qui rejoint perpendiculairement la Deûle à Houplin-Ancoisne, 4,5 km à l’ouest.

Les oiseaux d’eau y vivent en harmonie, comme à Harnes.

Il y a aussi des ragondins et des fantômes.

Seclin est connue pour ses châteaux. Sauf que, Grand Jeu Concours ! un seul des trois châteaux ci-dessous en est vraiment un : lequel est-ce ? Question 2 : L’un de ces châteaux n’est pas sis à Seclin mais à Templemars, à quelques pas de la frontière. Duquel s’agit-il ?

Cette tendance au faste n’exclut ni les ZUP

(vue de l’ouest)

(vue du sud)

ni les arrière-mondes :

ni les Upper Rooms & Kitchens de carrefours et ronds-points :

(abbé Bonpain de carrefour)

(Jésus Christ de rond-point)

ni le Kitsch & Lutte des Classes – Grand Jeu Concours 2 ! Laquelle de ces œuvres n’est pas une boîte aux lettres de Seclin mais de Carvin (autre passion récente) ?

L’art, ce n’est pas ce qui manque, à Seclin : mural

et de rond-point (ici, la couleur s’impose, vous allez le comprendre)

Cette dernière œuvre de rond-point nous amène dans mon lotissement préféré de la ville : les Aviateurs. J’adore. D’autant que, si de nombreux-ses Seclinois-e-s me témoignent volontiers une certaine hostilité, les Aviateurs-trices me traitent généralement comme une des leurs – sans collier de fleurs ni tralala. Voici un plan du quartier : un vrai crop circle, à l’américaine, quoique l’on ne s’y perde pas trop.

Le lotissement fait face à l’hôpital de Seclin, le nouveau, un hôpital intéressant, paradoxal, à la fois hôpital de campagne puisque l’on peut notamment y accéder par des chemins de tracteurs, quoique par ailleurs il fasse preuve d’une belle géométrie :

Une vue du parking s’impose également :

Attention, chien méchant et volumineux juste derrière cette rangée de maisons, il m’a poursuivie l’autre jour et j’étais bien contente d’être juchée sur Mon Bolide, dont on aurait dit qu’il pétaradait comme un bolide des Fous du volant mais en fait c’était le claquement de mes dents. Maintenant, voyons comment les Aviateurs se présentent depuis l’hôpital.

On voit plein d’avions dans le ciel aussi, à Seclin, bien plus qu’à Lesquin si vous voulez tout savoir,

et d’autres objets volants

et des sommets intéressants, quoiqu’ils ne volent pas,

et aussi des tunnels : ici, on en a plein les yeux, dessus et dessous.

Pour finir, un peu d’architecture (ici, l’arrière de l’hôtel de ville),

d’urbanisme (cité des jardins)

(ça ressemble à ça)

et de presque la campagne

Voilà, entre autres choses, pourquoi i <3 tant Scln.

Estivalitude

Ce matin, à 9h, sera diffusée sur France Inter une émission enregistrée en juillet, dont Jeanne Cherhal et moi étions les invitées, au micro de Christophe Bourseiller. Je pense n’avoir jamais été aussi navrante à la radio, sans doute parce que le format inhabituel m’a quelque peu désarçonnée, en tout cas j’ai ruminé ma propre nullité pendant deux semaines. Je m’en suis remise, ça va. Mais aujourd’hui, il n’y a plus rien à faire : ça va s’entendre, inutile de faire comme si ça n’avait pas existé. Désolée. Présentation de l’émission, ici.

Resink

Ça faisait un an ce matin. Un an que j’avais pris la photo de la jeune athlète que l’on peut voir dans mon expo Ligne 18 et qui figurait dans L’Humanité du 25 avril dernier. La fleur de thé se trouvait-elle au parc ce matin pour fêter l’événement, et pour que je lui remette enfin son exemplaire de L’Huma (un peu fatigué de voyager depuis des mois dans ma sacoche de vélo) ?

Eh non.

Je profite de l’occasion pour vous dire que cette page de journal est à l’origine de mon roman à paraître en janvier aux éditions de l’Olivier (quel teaser !), roman que j’appelle affectueusement Le Sel et dont je suis en train d’écrire la suite (Le Sel 2, en somme) ou plus exactement le négatif (Le sucre, donc), avec la même ferveur. Autrement dit, considérez qu’après ces quelques jours de disponibilité, je suis de nouveau en résidence. Merci de votre compréhension, jamais démentie. See you later, alligators!

Des mini-golfs

Ce mini-golf est sis à Pont-à-Meurchin : il est véritablement traversé par la limite entre les villes de Pont-à-Vendin et de Meurchin. Soit il s’agit d’un golf à 17 trous soit mon esprit est trop plié à la logique des nombres premiers pour que mon regard ait perçu le dix-huitième. Depuis que je me suis documentée sur ce noble sport, Le Bon Coin me suggère d’en acheter un chaque fois que je consulte les annonces immobilières, c’est-à-dire très souvent (je me casse dans le bassin minier – si ça ne tenait qu’à moi, je serais gone sur l’avant-jour, comme disent les Cajuns), et il est vrai que c’est tentant mais le prix (comptez entre 5 et 20 000 euros) décourage l’achat impulsif.

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Une chute

Ma permanence poétique m’amène ces jours-ci à délaisser la course à pied pour le vélo, de sorte que ces quelques lignes écrites un jour pair n’ont pas leur place dans mon texte. Voici donc ce qu’il convient d’appeler une chute – les photos, en revanche, ont bien été prises dans le cadre de la permanence, en l’occurrence dans le bassin minier.

 

ce matin dans l’arrière-monde un inconnu me dit bon courage
alors même que mon corps sécrète un feu d’artifices biologique
je ne souffre pas je n’ai pas un air de souffrance
même si j’ai croisé dans les bois un groupe dont les exclamations
gilets fluorescents et bâtons de marche nordique
faisaient peur aux lapins alors je n’ai pas dit bonjour

(Le marcheur du terril d’Harnes-Annay – jock-a-mo fee na-né.)

peut-être le monsieur dit-il bon courage
parce que la simple idée de courir le fatigue lui
mais moi rien ne me rend plus heureuse que de courir
sinon mes road trips vers le sud juchée sur Mon Bolide
mon vélo rose qui grince et couine et frotte
moi l’expérience que j’aime au monde c’est le mouvement
et d’autres non mais je ne m’en mêle pas je ne dis rien du tout
à ceux qui ont un rendez-vous galant je ne dis pas
bon courage au prétexte que ça me fatiguerait
moi de faire tout le badinage et la performance sexuelle
requis par les rendez-vous galants
ou aux couples qui se doivent une disponibilité du corps et de l’esprit
s’ils ont leur bonheur comme ça je ne leur dis pas bon courage
ni aux parents qui crient Pas sur la route Nathan mets ton pull

(Une joggeuse dans le parc de la jeune athlète, Sallaumines.)

ou peut-être le monsieur est-il simplement de ceux qui disent bon courage
de ceux qui par exemple aux caissières disent merci bon courage
comme si elles rêvaient d’un bullshit job plus challenging dans un open space
ces messieurs vont de par le vaste monde en dispensant des bon courage
comme si les autres vies que la leur étaient des punitions
mais je grogne merci parce que déteste m’arrêter quand je cours
même pour expliquer au monsieur où il peut se le mettre
son courage

(Fuck you sur le chemin de halage à Bauvin.)

Re-forge

Et un petit souvenir de ma dernière lecture à La Forge (place du Général de Gaulle, à Marcq-en-Barœul) avec le violoncelliste Guillaume Lafeuille. Merci à Nico pour la photo !

La poésie encore

J’a-dore le marché de la poésie, quand j’y retrouve Mandana, mes Montpelliéraines de choc, Sarah, IBL (que je ne présente plus) et NatYot, et les autres ami-e-s.

(Ici, avec IBL et Sarah <3)

Qu’est-ce que c’est ?

Non, ce n’est pas un film américain post-apocalyptique, c’est Montigny-en-Gohelle. Ci-dessus, en vue immersive sur le service de cartographie en ligne, ci-dessous non. Et c’est, rien que pour vous, 17 images du bonheur dans le bassin minier (la précédente ne compte pas, elle n’est pas de moi mais d’un Tobe Hooper minier).

Toujours à Montigny, face à la station-service et aux supermarchés incendiés, éventrés, noyés sous les déchets, ces Rideaux et Voilages remarquables sans esbroufe ni dauphins.

Depuis le 23 mai, je poursuis mon projet poétique en forme de road-trip cycliste. Je descends chaque fois à une gare différente avec mon vélo, je me perds et je découvre. 40 km par jour sur un biclou en fin de carrière, sous le soleil qui fait cloquer l’hélix de mon oreille droite. Je pédale dans un autre espace-temps. Si par exemple vous déplorez la mort des petits commerces et des centres-villes, c’est parce que vous n’allez pas à Billy-Montigny, où les années 1980 n’ont pas pris fin. Ameublement et décoration,

chaussures et prêt-à-porter, il y a tout ce que vous voulez.

Moins à Fouquières-lès-Lens.

Encore que. Si j’avais su écouter le trottoir, j’aurais enfilé ces protège-oreilles, bien qu’il fît 35 degrés ce jour-là, et des cloques ne darderaient pas sur mon hélix. Je n’ai pas voulu croire que c’était ce dont j’avais besoin.

Dans le bassin minier, on ne trouve pas que les années 1980 ; il y a aussi la modernité – c’est à Meurchin.

Ainsi le cycle de la vie suit-il son cours. Ci dessous, des bébés cygnes de Wingles.

Comme moi, la nature est heureuse ici. J’en veux pour preuve ce champ de colza et de coquelicots à Annay (≠ en Annay).

Gloire à Annay (≠ d’Annay) !

Les surprises jaillissent à chaque tour de roue. Un exemple : après le jardin des voitures brûlées à Hénin-Beaumont,

au fond de ce qui est une impasse pour les véhicules motorisés, il suffit de traverser la voie ferrée

pour déboucher dans le parc des Îles, et là laissez-moi vous dire que le roi n’est pas notre cousin. De quoi danser de joie devant les escaliers. Yee-haw !

Un autre jour (passé comme les couleurs de cette affiche livrée aux intempéries à Noyelles-sous-Lens), on pouvait se rendre au salon du bien-être et de / par (?) la voyance. Mais à quoi bon la voyance quand le bien-être est juste là et ne demande qu’à être vu, saisi au vol par l’œil disponible, alerte, brillant de gratitude ?

Et personne n’est laissé de côté, comme on le voit dans ce parc des mêmes Noyelles (est-ce un Noyelle ou une Noyelle ?) au bord de l’autoroute dite rocade minière.

Tout cela est tellement excitant que l’on peut dire, waouh,

Mais l’endroit que je préfère et où je tiens ma permanence poétique, c’est ce parc de Sallaumines. Je m’y sens comme chez moi, quelque part entre la déchetterie, un lotissement et l’autoroute. Il ne s’y passe jamais rien = Il s’y passe toujours quelque chose. Dimanche, une pie a poursuivi un chat en le narguant, je le jure.