Parfois, Jenny Hval apparaît dans mes rêves, au même titre que mes ami-es, les membres de ma famille et autres visages de mon quotidien : ça n’a plus un caractère exceptionnel depuis longtemps. Et pour cause, sa musique m’accompagne dans les nombreux hauts et bas de ma vie depuis une dizaine d’années. Jenny est mon amie sans le savoir. Forcément, chaque fois qu’un nouvel album paraît, c’est un événement pour moi (comme pour beaucoup d’autres, j’imagine). Je n’ai jamais été déçue.
La dernière fois que j’ai entendu ta voix, j’étais à Turin, au festival Jazz is Dead. Tu m’as appelée alors que j’attendais dans les loges la fin d’un orage de grêles spectaculaire pour aller présenter Basta Now au public. Par coïncidence, tu voulais me parler des femmes dans la musique expérimentale, et d’une musicienne en particulier, que je t’avais présentée lors de ma résidence aux Fours à Chaux de Regnéville-sur-Mer.
Tu m’as dit que tu ne dirigeais plus ce lieu de résidence artistique mais que tu avais toujours envie d’organiser des choses et de générer de la magie. Tu voulais savoir ce que je penserais d’organiser quelque chose avec cette artiste et toi – tu avais pensé à moi parce que je t’avais ouvert un monde sonore, à elle parce que son travail t’avait particulièrement charmé.
Je me suis souvent demandé, depuis, pourquoi je n’avais plus de tes nouvelles. Avais-tu été accaparé par d’autres projets ? La compositrice en question avait-elle décliné l’invitation ? C’est Amélie qui, ce matin, par hasard, m’a appris la terrible nouvelle de l’accident, qui remonte à juillet dernier. Nous avions échangé plusieurs fois entre temps, mais elle pensait que je savais.
Je n’aimerais pas être celui ou celle qui conduisait cette voiture – je t’imagine sur ton vélo, tu portais sans doute une marinière, je me demande si tu avais un casque, si tu fredonnais. Je ne voudrais pas avoir interrompu une vie, encore moins une vie qui, comme la tienne, illuminait à ce point celle des autres, une vie de générosité, de curiosité, d’enthousiasme contagieux.
Je te revois courir sous la pluie dans le parc de Carantilly pour inviter les rares promeur-ses à la performance de Marianne, je les vois se réunir autour des brioches sur les tables pliantes, je me rappelle combien Marianne, Amélie, Antoine, Annah et moi étions admiratif-ves que tu aies réussi à les convaincre de se serrer sous nos parapluies. Ton énergie nous a toujours fasciné-es.
Je vais faire comme si Amélie ne m’avait rien dit, je vais continuer d’attendre ton coup de fil – moi, j’ai perdu ton numéro le jour où on m’a volé mon téléphone à Bruxelles, alors j’attends, mon cher Pascal.
Je t’embrasse très fort
ici, tu es auprès de Claire, Emmanuelle, Aude et moi
ici, avec Elise, Marianne, Dominique, Claire et Cindy
Encore une bonne raison de remercier Jennifer Lucy Allan : hier soir, on a pu entendre un titre de Gym Douce sur la BBC, au milieu d’une tracklist assez prestigieuse. C’était dans Late Junction. L’émission est disponible à la réécoute pendant 29 jours.
Merci à Candice et Lila pour leur invitation et pour nos échanges à Radio Campus Grenoble. Il en est ressorti le deuxième épisode d’une émission à laquelle je souhaite de beaux jours. On peut l’écouter ici. Le terme que mes hôtesses ont employé pour me qualifier, celui de diggeuse, est sans aucun doute celui qui décrit le mieux mon activité principale des trente dernières années : je l’adopte.
J’ai commencé plusieurs séries de photos, dont une consacrée aux oiseaux d’eau (comme chaque année). Aujourd’hui, j’ai envie de partager quelques images de foulques prises ces derniers jours, respectivement, de haut en bas, sur le canal de la Deûle (juste avant la sortie d’Haubourdin, quand Lille approche et que mon ventre se noue, cette foulque m’a offert hier un petit numéro de surf dont je la remercie encore), sur le canal de la Souchez (avec un bébé beau à tomber), sur le canal d’Aire, sur le canal de Seclin et de nouveau sur le canal de la Souchez – vous aurez deviné que l’un de mes sous-thèmes du printemps est le nid flottant de foulque. Ces oiseaux sont assez fascinants, ce sont des bâtisseurs solitaires (contrairement aux grèbes, qui, comme je l’ai observé, construisent leur nid en couple), des querelleurs et presque d’aussi bons surfeurs que les gallinules. Ils sont infatigables.
Merci à World of Echo pour cette chronique, dont une expression rejoint (il n’y a pas de hasard) mon dernier texte pour Revue & Corrigée : « Let’s call it maximalism in miniature ». C’est exactement ça…
Demain (mercredi 9 avril), à 19h, Katia Bouchoueva et moi lirons La plus petite subdivision à l’Affranchie librairie, 6 place Sébastopol à Lille. L’affiche d’Alien-Poeme reflète parfaitement mon état d’esprit du moment. Katia et moi lirons des poèmes où il est question de nos amoureuses, qui ne sont plus nos amoureuses ; nous lirons des poèmes qui essaient de trouver des arrangements avec la mort et la perte ; et d’autres.