Voici une photo du parc Guimier à Sallaumines, celui que j’évoque dans Le sel de tes yeux et dans La geste permanente de Gentil-Coeur. Il ressemblait encore à ça ce matin.
Mais quand je suis passée par là cet après-midi, tous les arbres à droite sur l’image ci-dessus avaient été abattus. Des arbres sains, vigoureux, apparemment vieux, si on se fie à leur hauteur. Pourquoi ? J’ai envoyé un message à la mairie pour le demander, et pour demander si un tel massacre est légal à notre époque où même le dernier crétin dans un bureau sait qu’il y a urgence à épargner la nature. Ça me rend malade.
Et regardez ça, ils ont fait très vite, comme si ça allait passer inaperçu : sitôt abattu, sitôt débité. Il faudrait porter plainte contre ce genre d’agissements, mais ça ne ramènerait pas ces magnifiques arbres à la vie.
Hier soir, pour la première fois, j’ai lu des extraits de ma geste pour illustrer en 11 pieds un entretien avec Sophie Joubert. Merci à elle, ainsi qu’à Colombe Boncenne et à toute l’équipe de la Maison de la Poésie pour leur accueil chaleureux et enthousiaste. Et merci à la femme de ma vie de m’avoir rendu la lumière.
Dans deux semaines, jour pour jour, je serai à la Maison de la Poésie de Paris pour un entretien avec Sophie Joubert (journaliste à l’Humanité à qui je dois déjà beaucoup) sur La geste permanente de Gentil-Cœur ; il sera sans doute entrecoupé de lectures mais le format reste à définir. Je me réjouis évidemment de cette invitation, même si je regrette de rater à deux jours près (mais on me dit que c’est plus compliqué que ça) la date officielle, disons annoncée, de réouverture des lieux culturels (et d’un jour la venue à la capitale de ma complice l’autrice mystère). La captation sera transmise en direct sur le Facebook live de la Maison de la Poésie (le 17 mai à 19h, donc) et ensuite disponible sur sa chaîne Youtube. Il me reste peu de temps pour répéter la lecture d’extraits, on n’a pas idée d’écrire des machins si difficiles à lire – l’exercice (qui m’a pas mal occupée hier) m’évoque la scène héroïque dans Go West, où les Marx Brothers réduisent en petit bois un train lancé à pleine vitesse pour alimenter sa propre chaudière – un (trop) court extrait :
Je suis terriblement émue de cette critique de ma geste par Georges Guillain sur le site Les Découvreurs. Je le remercie vivement.
« UN ART POÉTIQUE EN FORME DE VÉLO DÉGLINGUÉ ? SUR LE DERNIER LIVRE DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS DE L’ATTENTE.
Comme une sorte d’épopée travestie, hésitant entre genres sérieux, burlesque et héroï-comique, cette Geste permanente de Gentil-cœur par laquelle Fanny Chiarello nous conte en lignes – difficile ici de parler de vers – de onze pieds de long, son désir un peu fou de recroiser le chemin d’une joggeuse de 17 ans aperçue dans un parc un rien chagrin de l’ancienne commune minière de Sallaumines, entre rocade d’autoroute et lotissement populaire.
Afin de retrouver la belle dont le souvenir l’obsède, l’autrice/narratrice décide à la suite d’un large et réjouissant examen de la situation, exposé en prologue, de tenir une Permanence de onze jours en ce lieu, pour quoi, résidant à quelque trente-cinq kilomètres, il lui faut courageusement enfourcher sa rossinante monture dénommée Mon Bolide, un vieux vélo aux roues voilées, aux freins insignifiants, dépourvu de vitesses, de suspension, aux pneus de plus quasi impossibles à regonfler ! Cela produit des récits d’équipées non dépourvus d’une réelle singularité auxquels Fanny Chiarello prête parfois humoristiquement une dimension épique comme dans ce passage où l’exploit pour elle consiste à arriver quand même à bon port malgré l’orage :
mon pneu arrière crève avec éclat il saute entre deux coups de tonnerre sur le chemin de halage accablé de déluge la pluie drue infuse une nuit diurne elle noie les bois secoue la boue casse dans les champs le maïs accable le canal et ma capuche mais je pousse Mon Biclou à pneu plat sans mollir vers ma permanente mission la pluie rebondit sur le chemin et me décoche des graviers qui se fichent dans mes mollets nus et me mutilent les tibias quand le fracas seul habite l’air ça bruit rugit frémit tonne gronde claque et crépite en une furie percussive à l’acoustique cinématographique
Mais là n’est pas bien entendu l’objectif premier de ce texte qui multipliant les observations sur la marche nordique, les lapins, le mini-golf, les relations entre pie et chat, la pratique du surf chez les poules d’eau, du vélo sur une roue chez les adolescents, du non ramassage des crottes par les dames qui promènent leur chien… s’abandonne clairement, en dépit des règles en apparence strictes qu’il s’impose au départ, au hasard des rencontres et des évènements, pour dessiner peu à peu comme le tableau d’un territoire rien moins que favorisé socialement, esthétiquement, architecturalement mais dans lequel la vie qu’elle soit végétale, animale ou humaine, se donne toujours à voir dans la diversité de ses formes et de ses capacités d’adaptation. On songe un peu parfois à la célèbre Tentative d’épuisement d’un lieu parisien du grand Georges Perec, n’était que la subjectivité de l’autrice/narratrice y apparaît de façon beaucoup plus évidente. Dans sa marginalité, son refus par exemple de certaines habitudes de consommation, sa façon très personnelle aussi d’entretenir un rapport presque intime avec ce qui reste autour d’elle de nature… jusqu’à se sentir au bord de l’orgasme rien qu’à respirer un parfum d’herbes et d’orties tout fraîchement fauchées. Sans compter bien sûr, qui explique le titre en partie mystérieux de l’ouvrage, sa relation à la musique cajun, celle de la Nouvelle Orléans, qui vient colorer de son pittoresque propre et de son éloignement linguistique et géographique la représentation que l’auteur invente au double sens du terme, au fur et à mesure de l’avancée de son ouvrage.
Et l’on songe aussi à la réflexion que nous livre Yves Citton dans son tout dernier ouvrage, Contre courants politiques (p.13), sur la façon dont pour les hommes d’aujourd’hui et a fortiori les écrivains, il est de plus en plus difficile pour évoquer le monde dans lequel nous vivons de se positionner entre un « je » qui fait problème du fait de la complaisance autobiographique dont nous sommes saturés et ce « nous » rendu impossible par l’arrogance de moins en moins supporté des savoirs surplombants. C’est là peut-être que le petit vélo de Fanny Chiarello qui trace sa route, sans écraser, entre tous les réseaux subtils de signification par lesquels il nous fait passer, peut prendre figure aussi d’un art poétique en phase avec les questions d’aujourd’hui. »
Je l’annonçais ici, en février 2020, la voici : l’avant-première du documentaire Histoire(s) collective(s) – Carte Blanche à Canan Marasligil, sur ILTV, la télé du bassin minier. Contrairement à ce qu’indique l’image ci-dessous, ça ne se passera pas à 18h mais à partir de 20h, ce vendredi 30 avril 2021.
La diffusion du film documentaire sera suivie d’un échange avec Canan Marasligil animé par les membres de l’association Mine de culture(s) sur ZOOM. J’y serai également présente. Pour recevoir le lien de l’échange sur Zoom, inscrivez-vous par mail à l’adresse : suzie.balcerek@yahoo.fr.
Né du besoin de raconter le métissage linguistique du Bassin minier des Hauts-de-France, « Histoire(s) Collective(s) » nous emmène à la rencontre de Mickaellia, Alejandra, Jean Bruno, Bilal et Fabrice. Elles et ils nous partagent avec générosité leur quotidien, leur(s) langue(s), leur(s) histoire(s) individuelle(s).
D’Hénin-Beaumont à Lens, Canan Marasligil, traductrice, autrice et artiste multimédia, cherche à révéler la pluralité de ces parcours. Elle interroge et s’interroge sur la présence des langues, sur leur coexistence au sein d’une même vie ou d’une même ville. Ce faisant, elle met en lumière des éléments d’une histoire collective.
A l’occasion d’un échange avec Fanny Chiarello, autrice, elles évoquent l’expression individuelle, les langues, les identités et mettent en pièce les discours normatifs.
Ce melting pot d’expériences singulières nous invite à redéfinir notre imaginaire collectif et dessine un nouveau paysage de ce territoire chargé d’histoire avec altruisme, humour et émotion.
Ce film a été réalisé par Antoine Giezek pour le compte de l’association Mine de culture(s), basée à Hénin-Beaumont, dans le cadre d’une résidence de Canan Marasligil débutée en 2018 dans le Bassin minier des Hauts-de-France, et qui a bénéficié du soutien de la Région Hauts-de-France et de la Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin.
Quelle journée ! Quand je vous dis que Hollywood, c’est surfait.
Pour la première fois de ma vie, aujourd’hui, j’ai butté des pommes de terre, mes pommes de terre – c’est-à-dire nettoyé (encore) et tiré la terre sous les feuilles des différents pieds, créant des petites buttes qui, au fil des semaines, seront de plus en plus hautes. Puis j’ai redisposé le voile d’hivernage.
Pour la première fois de ma vie, je trépigne qu’on ait passé les saints de glace pour pouvoir mettre des pommes de terre à poil et planter des légumes, plein de légumes : de quoi manger tout l’été.
Pour la première fois de ma vie, cette année, j’ai postulé à une résidence et je viens d’avoir, ce midi, la confirmation que ma candidature avait été retenue. Je vous en dis plus dès que c’est officiel.
Ma chère tatoueuse m’amène aujourd’hui à me replonger dans mon œuvre discographique complète, qui consiste en deux démos. Il y a d’abord eu Toysession ; à la base, c’était Héloïse et moi, puis Olivia, Laetitia et Sophie nous ont rejointes. C’était ce qu’on pourrait appeler de la musique outsider, et pour cause : je faisais les compos alors que je suis une autodidacte très tardive. Les arrangements, en revanche, sont de nous toutes et c’est ce qui me fait tant aimer ces quelques chansons, 15 ans après leur enregistrement dans le studio de mon frère. Sur ces morceaux, je joue de la guitare et chante ; mon anglais (accent inclus) me fait encore plus sourire qu’il ne me fait honte – j’ai la chance de ne pas avoir un ego très développé.
Useless (écrite à ma sortie de coma, en 2006 – c’était ce que nous appelions notre chanson qui plombe la raclette)
Beautiful People (écrit à la même époque, mais dans un registre plus joyeux et coloré)
Florida (une série de cartes postales)
Toy Piano (tourne en dérision les artistes qui ont besoin de souffrir pour créer)
Mon autre groupe était Gloria Hall, qui a aussi débuté comme un duo, avec mon ami Luc, avant que mes trois plus vieilles amies, Aline, Claire et (une autre) Sophie, ne deviennent nos Gloriettes, se trémoussant sur scène et faisant les chœurs. Puis Luc a recruté Julia, notre batteuse. Nous ne faisions que des reprises, de Jimmie Rodgers aux Ramones.
Baby, It’s You (David, Dixon, Bacharach – nous écoutions la version des Shirelles)
Iko Iko (de James « Sugar Boy » Crawford, devenu un traditionnel de La Nouvelle-Orléans ; notre version de référence était celle des Dixie Cups)
My Heart Belongs To Daddy (Cole Porter) ; ici c’est mon amie Sophie qui chante
C’est amusant, quand j’y pense : je n’ai gardé que cinq amis vraiment proches de mes trois décennies lilloises et il se trouve que j’ai fait de la musique avec eux tous. Ce matin, j’ai décidé que je voulais ces musiques-là à mon enterrement : fini de me casser la tête et de changer constamment de playlist. Cette poignée de chansons maladroites, c’est aussi le souvenir de moments de grâce et de fous rires, de création et de connivence avec des êtres chers – parmi les plus chers – et indéfectibles.
Si vous insistez, un jour je vous ferai écouter les bootlegs de Toysession.
que j’ai classées dans ce que je pense être l’ordre chronologique de leurs époques mais je me trompe peut-être totalement ; je vous laisse le soin de les mettre dans l’ordre qui vous paraît juste. Vous l’aurez compris, j’aime beaucoup Avion, où l’on trouve la cité des cheminots, la véloroute à destination d’Hénin-Beaumont et ses arbres fruitiers, l’un des plus beaux terrils de notre bassin minier (Pinchonvalles) et l’un des plus effrayants (dit par moi du psychopathe), le parc de la Glissoire qui a son propre terril avec observatoire design et son parc d’attractions miniature kitsch, des coins et recoins étonnants, chemins de traverse, tunnels, arrière-mondes inquiétants, une ZUP au bord des champs, des cités pavillonnaires décorées avec audace, des contrastes esthétiques et sociaux assez éclatants, de l’art post-minier plutôt surprenant (quoiqu’en la matière, aucune ville à ma connaissance ne surpasse Méricourt), des gens qui se disent bonjour avec des chiens, etc. Et des inscriptions et enseignes figées dans le temps.