amants dans la brume

J’écris une suite du sanglier (suite au sens musical et cynégétique – où je suis le gibier) ; je reste à ce jour intarissable sur le sujet. Ce matin, il fait –2°C dans la brume et je fais le tour du lac, je cours en short comme dans un poème de Pas de côté, au début ça me fait rire parce que je me remémore une lecture que Catherine a faite hier soir d’un autre texte du recueil (Jean a filmé la performance, je la mettrai en ligne quand il me l’aura envoyée), une de ces lectures dont elle a le secret : elle ne connaît ni le texte qu’elle attaque ni la musique qui passe mais lit avec virtuosité sur la mélodie, c’est à la fois bluffant et à mourir de rire. Je ris, donc, en chemin pour me rendre au lac, et cependant j’écoute le genre de musique sur laquelle nous avons dansé hier soir tous les six et me demande quelle probabilité j’avais de rencontrer cinq poètes disposés (pas qu’un peu) à danser tous les soirs et à y mettre autant de sens que moi. (Je disais ici, il y a un mois, combien j’avais besoin de ça.)

Arrivée au lac, j’ôte mon casque audio pour écouter la musique des oiseaux d’eau. Il n’y a personne nulle part, pendant 10 km pas un humain mais je me rends vite compte que je ne savoure pas la circonstance. Tout ce que j’aime habituellement m’est inaccessible : ne pas voir à cinquante mètres, me savoir seule, entendre les bruissements de vies invisibles dans la végétation dense qui m’entoure. Un lapin traverse le sentier un peu plus loin, une aigrette s’envole depuis les roseaux, une poule d’eau ricoche à la surface floue du lac et je ne m’en émerveille pas, trop tendue par la conscience vive de me trouver dans une cuvette : chaque bruit semble annoncer le surgissement d’un ongulé furieux, perdu dans la brume en contrebas des collines boisées qui encerclent le site. Dans les replis les plus touffus et isolés de la berge, où s’étale une espèce de toundra peu arborée, la peur me donne la nausée, je mesure la misère d’être traumatisée. C’est une dépossession.

Hier, j’ai fait un lapsus en parlant avec mes camarades : au lieu de dire mon sanglier, j’ai dit mon ours.

les deux amants

C’est le nom du lac et de la bière locale. J’ai fait le tour du lac cet après-midi pour écrire dans la lumière.

Je me suis assise sur ce tronc d’arbre, j’étais un peu éblouie mais c’était bien.

Dans mon poème, il est question de mes camarades rencontrés ici. Deux collaborations s’amorcent déjà et leur perspective me divertit de l’idée que dans une semaine je serai arrachée à cette parenthèse radieuse (mais épuisante) comme un vieux sparadrap.

Le lac est semé de toutes petites îles et de poissons plus minuscules encore.

Par moments, la beauté du paysage me fait rêver de recevoir un sms : Je suis à la gare de Val-de-Reuil, dirait le message, et je courrais sur la berge à contresens de l’Eure, des ragondins et des poules d’eau, jusqu’au bâtiment fiché dans la nature façon blockhaus. C’est mon côté pavot de Californie, le rêve est ma dimension – sauf quand je suis confrontée à une charge de sanglier ; j’ai écrit pas mal de choses au sujet de mon sanglier, je n’avais jamais accédé au réel aussi radicalement, purement, intensément que face à lui.

Il est là quelque part dans la forêt que je contemple des dizaines de fois par jour, où que je me trouve, car ici on voit son habitat de partout. Parfois j’ai tout simplement envie d’y retourner, envie de questionner sa puissance et celle de l’effroi.

des nez d’équidés

Mardi après-midi, j’ai fait la poésie en marchant marchant marchant, comme je le décris dans mon poème d’hier ; c’était une performance semi-dansée comme un rite d’exorcisme, plus inquiétante que joyeuse, mais il y a eu des passages d’une bienfaisante légèreté : j’ai vu de nombreux d’oiseaux d’eau en plein meeting aérien à la réserve ornithologique et rencontré de très chouettes équidés. On s’est amusés à se prendre en photo avec le nez tendu vers l’objectif. Il y avait un cheval,

un poney

et des ânes.

C’est un autre âne, Tobie, qui m’a alpaguée alors que je passais pas là au bord de l’Eure, son braiment était pour le moins remarquable. Nous étions tous deux d’humeur mélancolique alors nous nous sommes amusés à faire des selfies ; ils ne sont pas très satisfaisants parce que Tobie me poussait l’épaule (avec le nez, précisément), aussi nous avons fini par rester nez à nez. Notez que nous avons le même poivre et sel et la même coupe de cheveux (c’est dû à mon épi). Quand on me dit Tiens, tu te laisses pousser les cheveux, je réponds que je fais mon poil d’hiver, comme les ânes.

Il y avait deux autres ânes à la réserve ornithologique mais ils ne sont pas prêtés au jeu.

J’avais assez ri de toute façon. Ci-dessous, un teaser : bientôt ici, un billet sur la signalétique rolivaloise.

Le soir, ma mélancolie s’est dissipée quand j’ai rejoint mes chers camarades et que nous avons dansé sur des musiques expérimentales.

à la Factorie (2)

Après avoir passé une nuit à rêver de sangliers, à me réveiller en sursaut, à chercher un arbre où grimper, j’ai décidé d’aller courir ce matin à PLC (certain.e.s d’entre vous se rappellent peut-être une ancienne rubrique de ce blog, intitulée PLC pour presque la campagne), qui a aussi un peu l’aspect d’un arrière-monde par endroits.

Ici, énormément d’arbres sont colonisés par le gui, c’est très beau – même si les arbres en souffrent, ce qui rejoint une discussion que j’ai eue hier avec mes camarades et notamment avec Marion Renauld sur l’insoluble cruauté de la nature : le gui a le droit d’exister mais il est ressenti par ses hôtes comme un parasite et les oiseaux sont innocemment complices de cette occupation.

Une vue de la réserve ornithologique. Il y a plein de lacs et d’étangs, autour de Léry, en plus de la rivière et du fleuve.

J’ai presque eu envie de me baigner, au milieu des oiseaux d’eau – certaines espèces sédentarisées, d’autres de passage, un peu comme les poètes en cette session d’hiver (nous sommes notamment réunis à l’occasion de l’opération « Les poètes n’hibernent pas ») : hier, Jean d’Amérique s’est installé parmi nous tandis que Marion Renauld était seulement de passage pour deux jours et que Mélanie Leblanc nous a rendu visite pour la soirée. Pour info, Maud Thiria imite le cri de la foulque macroule avec tant de vérité qu’elle trompe les applis de reconnaissance des oiseaux. Les poètes qui m’entourent ont des talents variés ; Catherine Barsics en révèle tant et tant que j’ai menacé de lui consacrer une chaîne Youtube et finalement renoncé à filmer toutes ses incroyables impros.

Plus loin, à la sortie de la réserve, j’essaie de me détendre : toute flaque n’est pas souille, me dis-je – et tout sanglier ne charge pas ses ami.e.s. Anna notait hier que ma confrontation avec Monsieur Furieux a immédiatement bouleversé mes structures mentales, mon approche des animaux, ma posture au milieu d’eux. Et c’est vrai, c’était vrai avant même que j’en fasse le récit à quiconque.

Ci-dessous, autoportrait à la surface de l’Eure, où les nombres pairs sont barrés.

Et un arrière-monde de Val-de-Reuil où on peut danser en paix, sans regard importun.

Ici, le soir, les poètes n’ont pas besoin de se concerter pour converger vers 19h autour du bar, où nous attendent notre Charlène Damour, chargée de production de la Factorie, ainsi qu’Erwan, plus qu’un barman. On parle parle parle on rit rit rit on boit on mange on danse danse danse et on se lit des textes lors de scènes ouvertes menées par notre MC Emanuel Campo. Hier soir, après qu’Anna nous a tiré les cartes – tarot des plantes et tarot marseillais (ma plante est le pavot californien, Eschscholzia, soit « rêve, imagination, créativité ») – nous étions huit à partager le micro dans une des salles de spectacle, c’était drôle, beau, intense ; quelle chance inouïe de vivre de tels moments avec ces formidables artistes/personnes. Ci-dessous, Emanuel absorbe toute la lumière.

Ma poussière caresse le monde

La Factorie est un lieu magnifique sis sur la belle petite île du Roi. Le hall d’entrée, pourpre et cosy, avec son bar, ses bibliothèques, son piano, ses canapés, ses tapis, est notre QG du soir ; dans la journée, chacun.e travaille de son côté. Ma salle préférée, l’une des trois salles de spectacle que compte le lieu, est celle-ci :

On peut y danser ou y écrire en regardant les poules d’eau sur la rivière.

Cet après-midi, j’y ai écrit un poème dans mon carnet ; je raconte ma promenade très étrange d’hier à Val-de-Reuil et à la réserve ornithologique. En voici le brouillon.

je suis rendue à la poussière
le vent me disperse le vent
fait de ma poussière une caresse
à la surface vive de la rivière
où canards et poules d’eau se laissent dériver
tournant sur eux-mêmes à grande vitesse
comme ayant perdu le contrôle
de leur véhicule et cependant
impassibles et n’opposant aucune résistance
au mouvement circulaire
usagers blasés d’un grand huit
sans cri de peur ni de joie ni sourire
ma poussière caresse les vaguelettes vives de la rivière
peigne la ripisylve qui s’y trempe
troncs et branches détrempés
ma poussière caresse toutes choses terrestres à portée
de mon regard et au-delà caresse
ce qui est mais aussi ce qui fut
la peau qui fait défaut à la pulpe de mes doigts
et un infini tapis de ronces si dense qu’il
semble masquer un abîme
et la peinture écaillée craquelée des balcons
de la ville nouvelle et le vide de la dalle
et le dédale de ses passerelles
et les cellules commerciales en décrépitude
et à la périphérie des routes sans
trottoir à la croûte de bitume fissurée
où mon corps se recompose
danse et sanglote et saute et boxe l’air
qu’aucune brise n’anime plus
boxe le monde à gestes secs et saccadés
boxe l’absence de celle
boxe la trahison
boxe le manque pour ne pas le plonger
dans la rivière vive où glissent les ragondins

des ours-sangliers

Les poètes dansent le mardi soir, de sorte que nous nous sommes couchés tard, hier encore, mais mon corps est une mécanique horlogère et à 6h30 ce matin, j’étais debout et opérationnelle. Comme je ne voulais pas partir avant 8h, j’ai commencé à lire La claire caresse de ma camarade et voisine de chambre Anna Serra. Quand je suis rentrée de ma grande aventure forestière, je lui en ai fait le récit puis nous avons discuté d’écriture et, peu après, j’ai repris ma lecture de son recueil ; la première page que j’ai lue était celle-ci :

Vous allez encore dire que j’ai une tendance à l’apophénie mais j’y vois surtout une sorte de mise en lumière. D’autant que quand j’ai raconté mon aventure, Marion Renauld m’a conseillé de lire Croire aux fauves, récit d’une anthropologue qui a rencontré un ours, or mon projet pour Regnéville (ma résidence suivante, imminente) montre une créatrice sonore qui veut enregistrer un ours et développe une parabole sur le mode d’être au monde de notre espèce, basé sur l’exploitation du vivant. Ce sanglier m’a appris beaucoup de choses. Il aura été mon ours.

à la Factorie (1)

La Factorie n’est pas à Val-de-Reuil même mais à Léry, quelque part entre le lac des Deux Amants (Françoise et Gérard, comme mes camarades et moi les appelons affectueusement) et la forêt. J’ai commencé ma résidence par une séance de repérages.

Ci-dessous, un télésiège pour le ski nautique squatté par les oiseaux d’eau.

Derrière les champs, la forêt m’attend.

Les oiseaux d’eau ne sont pas mes seuls complices ici. Avec moi, Catherine Barsiscs, Maud Thiria, Anna Serra et Emanuel Campo <3

Ce matin, j’ai fait un premier tour du lac en courant, une petite dizaine de kilomètres dans l’obscurité profonde puis le lever du jour.

Je suis heureuse d’être ici, en si bonne compagnie, dans un décor où on rêverait de se promener avec sa fiancée – mais n’y pensons pas, ne regardons pas passer les trains Paris-Rouen en imaginant qu’elle pourrait être dedans et qu’on pourrait l’attendre sur le quai à Val-de-Reuil, non, ne faisons pas ça. N’imaginons rien et tout ira bien.

Poésie batelière

Dans Je respire discrètement par le nez, je livrais un texte en forme de pochette surprise intitulé Poésie hippique et qui recensait 107 noms de chevaux de course. Le voici :

« Poésie hippique

Secretariat, Peintre Célèbre, Blushing Groom, Brigadier Gérard, Divines Proportions, Electrocutionist, Fanfreluche, Edredon, Joyau d’Amour, Nice Love, Fée Des Iles, Premier violon, Play It Again, Couleur Du Nord, Belle Allure, Under The Sun, Joyeuse D’Or, Salut Lisa, Magie D’Un Soir, Only Du Lys, Opinel Du Sceux, Odyssée De Féline, Night Du Lys, Otarie Du Rib, Orchestra Sautonne, Nuit De Mars, Oasis Charmeuse, Notre Guerrier, Modèle Du Clos, Nicotine Cébé, Noble Javanaise, Matin De Manche, Papy De La Potel, Paris Is Magic, Pocket Money, Produit Fier, Perfect Charm, Quelle Star, Quelle Fusée, Quetsche Magique, Quality Charm, Gogol, Crocolyrique, Csik To Cheek, Captain Beefheart, Quelle Fiesta, Vélodrome, Heart Of Love, Anthologie, Art Martial, Highest Dancer, Big Time, Lost Sun, Brave Pile, Antigel, Mon Ami Jean-Paul, Sunrise Spirit, Call Me Blue, Noble Emeraude, Nuit Torride, Noble Nénette, Porte Carte, Professional, Loufoque Dairie, Mon Vittel, Pin Up Honey, Princesse Vaumissel, Pin Up De L’Être, Passion Fatale, Petite Folle, Péché De Vigne, Phryne Du Dollar, Praline Du Lys, Planète Foot, Préférence, Quartz Super, My Cause, Sea Of Grass, Half Crazy, By Far, So Long, Rêve D’Empire, Testiglass, River First, Ras Tafarii, Flying Bomb, Rock And Roses, Trésor Précieux, Héritière Céleste, Momie, Double Dollar, I Love Loup, Earth Planet, Danse Du Soir, Si Sismique, Big Stormy Moon, Un Rendez-Vous, Bright Style, Âme Lune, Doctor Dance, Fil D’Or, Sport Complete, Le Bonheur, Régal Viking, Take And Run, Blonde Des Aigles, Fleur Enchantée, et j’en passe »

***

Aujourd’hui, je suis en mesure de vous offrir non pas 107 mais 197 noms de péniches que j’ai croisées sur les canaux d’ici, à savoir sur le canal d’Aire, celui de la Deûle et celui de la Scarpe.

(Ci-dessus, Jules Verne talonne Vega à la frontière d’Hénin-Beaumont et de Courrières.)

Quelques précisions :

– Je ne vais pas cesser de noter leurs noms dans mon carnet au prétexte que j’aurai posté cette liste ; elle n’est pas figée, c’est un travail au long cours.

– Aujourd’hui, je connais très bien certaines de ces péniches et les reconnais de loin ; hier, par exemple, j’ai dit « Ça alors, ce ne serait pas Ghost Sniper ? » J’étais surprise parce que je ne l’avais jamais vue à Santes auparavant. « Bisous à Beuvry ! » lui ai-je lancé. Je reconnais aussi très bien Memphis, Viking, Vega et, s’il peut m’arriver de confondre Pasadena et Savannah, c’est bien parce qu’elles s’habillent tout pareil et traînent dans les mêmes rades (essentiellement la plateforme multimodale Delta 3).

(Savannah entre Meurchin et, en face, Vendin-le-Vieil.)

– Je me suis prise de passion pour les péniches cet été ; je vous en ai d’ailleurs montré un certain nombre, notamment ici. J’ai commencé à relever leurs noms le jour où j’ai croisé Tchiki-Boum ; ce fut ce qu’il convient d’appeler un coup de foudre onomastique.

(Tchiki-Boum à Douai.)

Elle ouvre donc le texte inédit que voici :

Poésie batelière

Tchiki-Boum, Popette, Traviata, Stewball, Macumba, Kon-Tiki, Tida-Kira, Loukoum, Hudson, Pasadena, Savannah, Memphis, Portland, Kansas City, Denver, El Paso, Milwaukee, Oklahoma, Adelanto, Bethesda, Tunica, Lakota, Country, Bibifoc, Top Gun, Speed, Sméagol, Avengers, Alamo, Ravetea, Jama, Dahlia, Ghost Sniper, Radar Taupe, Furious, Tous-Nerfs, Azimut, Venera, Avary, Bayard, Dolax, Remacum, Kustrif, Zagor, Cripayo, Sosanto, Shelendo, Defey, Kerzel, Welfra, Cambio, Morena, Aldo, Doma, Jado, Anex, Pantra, Wiclo, DC Mosa 1, Ginard, Vega, Mondor, Faraday, Pouchet, Louise Michel, Masséna, Jules Verne, Surcouf, Rives de la Meuse, La Vézère, Amazone, Ardenne, Sermaizien, Tréport, Paris, Isola Doma, Isola Bella, St. Barth, Saona, Castille, Merina, Benguela, Smolensk, Smirnoff, Norway, Paraguay, Sherpa, Tabor, Kingston, Big Ben, Beverwaard, Biberach, Olako, Stoupan, Unesco, Esclave, Samaritain, Njörd, Jaël, Freyja, Apis, Osiris, Hermes, Morphée, Nemesis, Poséidon, Saturnus, Pégase, Psyché, Tantra, Deo Date, Uni Deo, Cum Deo, Dieu aboie-t-il ?, Ostara, ND du Perroy, Alizé, Athena, Blizzard, Libeccio, Corylophilda, Cougar, Espadon, Marlin, Cœur d’Océan, Oceanos, Oceanic, Nautica, Aquarius, House Boat, Workshop Boat, La Galère, Salto, Solist, Violento, Filou, Remuant, Turbulent, Surprenant, Trépidant, Chahuteur, Invincible, Diligence, Perpétuel, Imprévue, L’imprévu, Impuls, Probe, Prodest, Colporteur, Nomade, Destin, Le Temps, La Paix, Bon Espoir, Serenitas, Good Luck, Apocalypse, Armageddon, Ocarina, Carina, Ben, Kenza, Alain, Béatrice, Colas, Jessica, Gay, Priscilla, Melina, Léo, Sylvaine, Sébastien, Farida, Homer, Lydia, Marcel, Netty, Samantha, Cédric, Mélanie, Émilienne, Teddy, Gaëlle, Kendall, Lucette, Gaston, Johanna, Elizabeth, Natacha, MH, Aloha, Rudyange, Isajohn, Pa-My, Ber-Mel, Ben-Gus, Will-Teir, Jor-Ali, Ja-Dy, OK Fred et j’en passe

(Linge à Flers-en-Escrebieux.)

Notez que le dernier nom, OK Fred, ferait un super nom de cheval – comme bien d’autres, d’ailleurs.

(Tréport à l’écluse de Cuinchy.)

(Colporteur entre Annoeulin et, en face, Don.)

(Trépidant et Surprenant à Estevelles – leurs voisins sont Remuant et Chahuteur.)

(Denver à Bauvin – la photo est ratée mais je l’ai sélectionnée pour le plaisir de la légender.)

(Country entre Carvin et, en face, Harnes ; la photo est ratée mais j’aime ce nom et sa graphie – je ne suis pas en train de m’excuser, ok ? J’explique, c’est tout, rien ne dissone.)

(Marlin à Douvrin, un matin d’été très tôt.)

(Péniches à Beuvry, un matin d’été encore plus tôt tôt tôt)

Je ne poste pas mes 211 photos de péniches (à ce jour) mais seulement 11. C’est plus raisonnable et néanmoins très frustrant.

Une anthologie

En prévision de ma résidence à la Factorie (Maison de Poésie de Normandie) en janvier prochain, je dois constituer une espèce de mini anthologie de ma propre poésie. Une dizaine de pages – j’ai opté pour l’interligne 1,5 plutôt que double sinon c’était vraiment trop frustrant. Ce matin, j’ai donc relu / re-survolé, avant le lever du jour, mes quatre recueils parus aux Carnets du Dessert de Lune et (c’est une agréable surprise), à une exception près, je les aime encore. Globalement, du moins – j’effacerais bien certaines pages, quand même. Je copie-colle ici un texte tiré de Je respire discrètement par le nez, dont le premier paragraphe m’a fait un drôle d’effet. Je l’ai écrit en 2006 ; je me projette dans un avenir que je pense conjurer en affrontant sa possibilité, or le moment que je craignais alors a fini par arriver, forcément – comme la mort même finira par arriver, qu’on l’ait attendue toute sa vie avec un fusil ou qu’on n’ait jamais pensé à elle. Voici ce petit texte :

           « Oh dormez, dormez mes amis, je veille sur vous. Un jour peut-être je serai si loin ou alors ce sera vous, mais il y aura toujours ce pointillé magnétique entre nous, je pourrai presque voir votre sourire danser avec le mien sur le miroir du salon. Et vous dont je n’aurai jamais vraiment connu le cœur, vous danserez aussi quelque part sur la croûte terrestre et les vibrations de vos pas parviendront jusqu’à moi et je les saluerai des orteils à travers le vacarme tellurique ; je serai assise au bord d’un étang, je regarderai passer les poules d’eau et la mince semelle de mes chaussures ondulera discrètement tandis que des orteils, je vous saluerai.

            Pour l’instant je suis debout sur les pédales de mon vélo pour rouler contre le vent et mes cheveux semblent fous de joie ; certains se détachent de moi et vont poursuivre ailleurs leur aventure dans la matière.

            Quand j’écoute de la musique je pédale très vite et parfois je vis les crescendos avec les pieds. Ce corps m’aura bien servi. Je pense soudain à lui avec affection. Si j’arrête de le malmener, peut-être nous amuserons-nous ainsi encore longtemps.

            Ma concierge dit que d’ici peu, il y aura six nouveaux enfants dans la résidence, elle dit, J’ai peur pour mon sapin de Noël. Je me rappelle le rire de mes amis cet hiver quand les chants électroniques des pères Noël en peluche les accueillaient dans le hall, je souris avec eux, je souris à la concierge. C’est du travail, ce sapin, dit-elle, et j’acquiesce.

            Je monte l’escalier, je lis Top Annonces en chaussettes, je lis des annonces qui ressemblent à ces cheveux que j’ai vus dans la rue ce soir, des cheveux à la couleur étrange, et ensuite il y avait cette voix tout aussi indéterminée que la couleur des cheveux, qui dansait au sommet d’une larme, cette voix était tout ce qu’il m’était donné à percevoir d’une vie tandis que je roulais contre le vent.

            Mes chats sont assis devant la baie vitrée grande ouverte et contemplent l’orage, immobiles, les yeux arrondis, je me demande bien à quoi ils pensent. Si je m’assieds auprès d’eux, est-ce que je verrai ce qu’ils voient ? »

Photo prise à la même époque