ce soir, avec Marie-Eustache et nos amis, nous allons écouter un concert dans un bistrot
la PAF est de 5 euros, ça fait un budget
en échange la dame nous met un tampon sur la main
au cas où nous voudrions aller à la buvette de temps en temps : « ça fera 70 euros », dit-elle, « merci »
à la buvette, nous demanderons sans doute des verres d’eau
Auteur/autrice : dancing chicken
Avec Marie-Eustache et nos amis – l’entretien d’embauche
aujourd’hui j’ai passé un entretien d’embauche
j’y suis allée avec un tailleur pantalon en lin, Marie-Eustache et nos amis
le monsieur des ressources humaines m’a demandé si je comptais toujours m’accompagner de Marie-Eustache et de nos amis et j’ai dit oui oui, ils ne sont pas un problème : c’est juste Marie-Eustache et nos amis
il a dit que la salle de café serait sans doute trop petite pour moi dans ces conditions
par principe, nous préférons les petites entreprises, avec Marie-Eustache et nos amis
mais il semblerait que les petites entreprises, ce ne soit pas pour nous
La narration : rediffusion
J’ai retrouvé avec émotion une série que je publiais sur mon ancien blog, il y a une dizaine d’années. J’ai décidé de vous la rediffuser dans l’ordre – c’est important parce que la narration est très construite et le suspense haletant (ou insoutenable, au choix), comme se doit de l’être un suspense. L’image n’est pas terrible mais vous n’allez pas me casser les pieds avec ça, sinon je veux aussi vous voir harceler les chaînes de télévision qui rediffusent indéfiniment vos Derrick et Colombo préférés. Ma série s’appelle Avec Marie-Eustache et nos amis. C’est un titre vendeur, je ne le changerai pas ; épargnez-nous tout un tapage. Premier épisode dans quelques instants. Mais, avant tout, ma présentation et mon avertissement de l’époque :
« En France, traditionnellement, l’on appelle Marie-Eustache tout être vivant de sexe féminin dont on a oublié ou dont on n’a jamais su le véritable prénom. Une ancienne camarade de classe qui vous a salué préfère s’entendre répondre « Bonjour Marie-Eustache » que « Vraiment, je ne vous remets pas ». Vous trouvez, dans une rue, la chiotte (ici pour le féminin du chiot) d’un voisin qui la recherchait désespérément depuis plus de quarante-huit heures après qu’elle s’est enfuie ayant becqueté la clôture du jardin – il s’agit en effet d’une jeune bulldog – ; vous avez oublié le nom de la bestiole : vous l’appelez, « Viens là, Marie-Eustache », et l’espiègle créature vous suivra à coup sûr jusque chez ses maîtres. Vous ne savez quel prénom attribuer à votre oreiller de célibataire en vous remémorant cette chouette brune que vous avez croisée au supermarché, et naturellement vous optez pour ? Marie-Eustache, bien sûr. C’est ça, la France, quand on a oublié le véritable nom d’un être vivant de sexe féminin. »
Loos Oliveaux
Un reportage en 7 points et 17 photos.
Le 17 avril, je me suis prise de passion amoureuse dévorante pour la ville de Loos en découvrant le quartier des Oliveaux. Un tiers de la population loosoise vit dans cette Z.U.S., sur laquelle rayonne la tour Kennedy. Construite en 1969, cette dernière est, avec ses 28 étages, la tour plus haute au nord de la région parisienne. De fait, comme les tours Europe de Mons-en-Barœul (dont je parle beaucoup ici), on l’aperçoit d’un peu partout autour de la ville, notamment depuis le quartier CHR de Lille, comme sur cette image :
Alors bienvenue aux Oliveaux ! Vous pouvez entrer par ce petit chemin sinueux (le quartier en regorge, des petits chemins qui relient des rues pavillonnaires à des tours, qui relient des tours, qui relient des rues pavillonnaires à des rues pavillonnaires)…
– ces petits chemins qui sentent la noisette constituent un très agréable labyrinthe à travers tout le quartier :
… ou vous pouvez pénétrer dans les Oliveaux par la grande porte :
Vue du sol, la tour Kennedy est assez impressionnante :
D’un peu plus loin aussi…
Il y a tout ce que vous voulez, aux Oliveaux, si l’on excepte (du moins à ce jour) ce qui entre dans la catégorie des chalets du Nord, à savoir les boîtes aux lettres en forme de chalets, puits d’ornement, sabots de façade et autres moulins de jardin, ainsi que les zéphyrs embrasés (du moins ne sont-ils pas exposés aux yeux de tous). L’on y trouve en revanche – et en sept points, donc :
1. de la géométrie
2. Un mini centre commercial presque entièrement à l’abandon – n’y subsistent guère que la pharmacie, le cabinet médical et la boucherie : en comparaison, Triolo (à Villeneuve d’Ascq) fait figure de Mall of America.
3. Du kitsch & lutte des classes, notamment
a – des Mickey artistiques + Rideaux et Voilages bucoliques
b – une faune murale (apparentée aux panonceaux canins)
4. du fun fun
5. des cœurs
6. des upper rooms & kitchens
7. et même des champs
C’était un petit reportage sur le fascinant quartier Loos Oliveaux (≠ Los Olivos, qui se situe dans le Comté de Santa Barbara en Californie). Mais ne croyez pas que je compte en rester là :
La femelle du requin
Merci à Joachim Arthuys, dont je suis l’invitée dans ce numéro de la revue La femelle du requin . J’y parle, entre autres choses, de la poésie de Laura Kasischke. J’y rends également hommage à ma grand-mère Denise, qui me manque chaque jour.
La première page de mon texte, réduite en carré :
Résurrection de Pamela Sauvage
Je ne prétendrai pas que cet article de Claro sur mon roman Tombeau de Pamela Sauvage, paru il y a un an à la Contre Allée, ne me fait pas grand plaisir ; on peut le lire ici. Merci Claro !
Jambes en l’air du quotidien
Nous avons vu dans les précédents épisodes que la pratique des jambes en l’air pouvait être 1. une stimulation pour l’élévation en harmonie avec la nature et avec les constructions humaines ; 2. un outil pédagogique efficace et ludique pour découvrir un territoire. C’est aussi, tout simplement, un moyen de pimenter le quotidien, d’y prendre son pied sans complexe. Quelques exemples :
abribus
hangar
art de rue
gare
laverie
aire de jeux
square
fresque de tunnel
voiture brûlée
avant moisson
après moisson
promenade au bois
ou à la palmeraie
passage sous un pont
chantier
Jambes en l’air : du tourisme
On peut voyager, les jamabes en l’air.
Testez vos connaissances : essayez de reconnaître les divers bâtiments de la métropole lilloise devant lesquels posent mes jambes. La réponse est juste sous la photo.
Les Arts & Métiers, Lille
Centre des impôts, Lille
Hôtel de Région, Lille
Église Notre Dame de Lourdes, Lomme
HLM du secteur Concorde, avenue Beethoven, Lille
Tunnel piéton, parc du Héron, Villeneuve-d’Ascq
Notre Dame de Fatima, Lambersart
Halles du marché, La Madeleine
Tour hertzienne, Villeneuve-d’Ascq
Serre équatoriale, Jardin des plantes, Lille
Tour de Lille et gare Lille Europe, Lille
Tour Europe, Mons-en-Baroeul
Relais radio télévision, Wattignies
Château d’eau, Marcq-en-Barœul
Clos Saint-Pierre, Lambersart
Échangeurs du périphérique, Lille Fives
Grotte, Jardin Vauban, Lille
Métro Port de Lille, Lille
Pont de la rue du Pont, Sequedin
Parc de la Citadelle, Lille
Passerelle ferroviaire, Faches-Thumesnil
EuraTechnologies, Lille
Terrain militaire, Villeneuve-d’Ascq
Hôtel de ville, Lomme
Hôtel de ville, Lille
Salle Saint-Jean, Saint-André
Grand Stade, Villeneuve-d’Ascq
La Poste, boulevard Hoover, Lille
Ferme du Mont Garin, Lambersart
Musée des moulins, Villeneuve-d’Ascq
Piscine Max Dormoy, Lille
Porte de Paris, Lille
Église Saint-Pierre, Villeneuve-d’Ascq
Métro aérien, Lille CHR
Jambes en l’air : ascension
J’ai inventé le concept de jambes en l’air en février 2017. J’avais le moral au ras du sol et j’aspirais à me relever ; j’avais aussi besoin de me réapproprier ma vie et les villes qui en étaient le décor. Contrairement aux apparences, lever les jambes semblait faire sens. Je courais avec mon appareil photo et, quand je voyais quelque chose s’élancer vers le ciel et que j’aspirais à l’imiter, je m’allongeais sur le dos, prenais la photo et aussi vite me relevais et poursuivais mon chemin. Recommandé à celles et ceux que leur image préoccupe : après un tel exercice, on peut aller à la boulangerie en robe de chambre, on est libre, l’ego en sommeil.
La toute première fois, il y avait forcément une idée de démolition, là-dedans.
Mais ensuite, tout n’était plus que prétexte à la fuite en l’air.
Il y eut reconstruction
Il y eut des bonnes ondes
des arbres indéracinables
des regains d’énergie
des voies ferrées vers des ailleurs spirituels
l’envie de jouer bientôt est revenue
et enfin il y eut (fiat) de la lumière (lux)
Bref, je recommande énergiquement cette thérapie.
Notes sur Mons-en-Baroeul
(Extraits d’un texte écrit pendant l’été 2015.)
« Un soir, cet hiver, j’ai descendu la ville de Mons-en-Baroeul depuis son point culminant. Le hasard et mon goût pour la marche en avaient ainsi décidé. J’avais aperçu mille fois le sommet des tours Europe, hautes de vingt-et-un étages et visibles depuis plusieurs villes, des centaines de rues et des dizaines de parcs, depuis les voies ferrées, les friches et les échangeurs autoroutiers qui s’emmêlent autour de la métropole comme un corset de fils barbelés.
(Une tour Europe vue depuis la rue Parmentier.)
Ce soir-là, au fil des rues vallonnées que j’ai parcourues pour regagner Lille, j’ai traversé de vastes espaces bétonnés, vides et battus par le vent, me suis approchée des grands ensembles, que relient des chemins et des parkings labyrinthiques et dont les lames dressées vers le ciel semblent l’inviter au seppuku. Après cela, je suis revenue presque chaque jour, fascinée.
(Une des « tours jumelles » vue depuis la rue Pierre Curie.)
(Une tour America vue depuis la rue de Normandie.)
J’ai d’abord décrit des cercles concentriques autour des tours Europe. Celles-ci, d’un blanc dont la proximité révèle qu’une mousse verte le corrompt à chaque arête, se détachent sur le ciel ou se confondent avec lui selon qu’il est dégagé ou laiteux ; l’on peut ainsi les voir, à mesure que l’on se déplace autour d’elles, sous tous les angles possibles, se découpant derrière des toits plats ou pointus, leur image encadrée de lilas, de corète du Japon, de cerisiers en fleurs, de magnolias ou d’antennes paraboliques. On peut les voir depuis presque chaque point du territoire qu’elles dominent, impassibles.
(Commerce au bas des tours Europe, depuis l’avenue Robert Schuman.)
La résidence Europe est à la fois le phare et le symbole de la ville (le logo de la municipalité consiste en quatre traits blancs sur une colline verte et un fond de ciel bleu que perce une étoile). Les tours bordent une perspective que je qualifierais de soviétique, même si elle ne débouche pas seulement sur la tour hertzienne rouge et blanche qui offre un repère spatial à toute la banlieue nord-est au sommet de laquelle elle émet, mais aussi sur le « village vertical » America, comme on le nommait à sa livraison.
(La tour hertzienne vue depuis la rue de Normandie.)
(Les tours America vues depuis la rue de Normandie.)
De près, la résidence Europe évoque un squelette de stégosaure, totem dont la présence à mi-chemin entre la ville haute et la ville basse, sa carcasse parallèle à ces dernières, voudrait décourager les intrus de sa masse écrasante. Paradoxalement, les arêtes lisses et nettes des corniches qui soulignent chaque étage leur donnent un aspect fragile, car l’on imagine de loin pouvoir les saisir entre le pouce et l’index et les sectionner sans bruit, les cueillir proprement ; l’on peut presque sentir dans la pulpe des doigts l’écho tout juste perceptible de la section, comme s’il s’agissait de constructions Lego, ou que l’on était un nouveau Godzilla – l’un ou l’autre.
(Les tours Europe vues depuis la rue Greuze.)
Autour de la Z.U.S., des lotissements sinueux de pavillons à toit plat, cubes à la brique pâle et aux petits carreaux de céramique, leurs jardinets entretenus comme des chevelures par de vieux messieurs aux gestes lents et patients, lotissements troués de longs passages étroits ; le passant distrait ne remarquera pas ces échappées qui lui sont proposées vers des rues parallèles presque identiques, pour le profane, à celle que présentement il emprunte.
(Passage reliant les rues Marcel Pinchon, Édouard Lalo et Hector Berlioz – trois parallèles.)
Je découvre, au fil de mes courses à pied, des béguinages aux volets toujours clos, des rues de style balnéaire aux palaces fleuris de roses trémières et des rues ouvrières aux bicoques guère plus spacieuses que des cabines de plage, des maisons anglaises à grilles noires et bow-windows, des lotissements surannés, une église que l’on dirait satanique, des épiceries sombres dans les coins, sous les étagères de tôle, et que baigne une odeur de fruit trop mûr.
(Boulevard du Général Leclerc, avec en fond les tours Europe.)
(Rue Marcel Pinchon.)
(Avenue Foch.)
Très vite, je conçois une passion lumineuse et sans entrave pour cette petite ville aux contrastes agressifs. Je l’élis secrètement la ville la plus photogénique de la banlieue et me réjouis qu’elle soit ignorée du monde, tout au moins des individus qui, à quelques kilomètres de là, poursuivent le bonheur dans le halo d’enseignes lumineuses et le vacarme d’un quotidien où la profusion d’événements dérisoires supplante la quête de sens, car je peux ainsi prétendre qu’elle m’appartient. J’emploie par-devers moi l’adjectif sublime pour qualifier cette banlieue peu recherchée, je l’emploie avec un frisson d’extase perverse, ma conscience effarée par la force péremptoire de ce choix lexical spontané. J’y vois une fièvre amoureuse un peu coupable – quand, plutôt que de se déclarer à son objet, on le suit incognito, fasciné par son propre émoi tout autant que par l’objet de cet émoi et par ce que l’on découvre de l’objet en question.
(Avenue Marc Sangnier.)
Je me renseigne sur la ville. La documentation que je rassemble comporte des batteries de chiffres ; jamais je n’aurais envisagé que les ressources de l’INSEE pourraient un jour combler chez moi un manque affectif proprement douloureux. Je me repais de ces chiffres pour oublier que je ne pourrai jamais embrasser cette ville dans son entier, que je ne pourrai jamais l’appeler chez moi, que je ne pourrai jamais l’avoir fondée, peuplée, gouvernée, protégée, animée, ni par mes propres et seuls moyens ni par les voies traditionnelles qui permettent de s’investir dans le devenir d’une ville. Ce n’est pas la mienne, et l’adopterais-je que je ne serais pas le premier individu à le faire, ni le principal, ni le dernier. Cette ville ne sera jamais à moi. »
(Avenue du Maréchal Joffre.)
(Commerce au bas des tours Europe, vu depuis la rue du Maréchal Lyautey.)
Depuis l’écriture de ce texte, j’ai déplacé mon territoire vers l’ouest, le Nouveau Mons a pris la forme d’un écoquartier, de nombreux commerces ont fermé leurs portes sous les tours Europe tandis qu’un Carrefour City concurrence l’épicerie photographiée ci-dessus, et le béguinage auquel je fais allusion a été rasé.