Cette année, je fais écrire des collégiens de Roubaix ; la première séance a eu lieu hier et il ne s’agissait pas (comme le dit le post Instagram ci-dessous) de faire écrire des « paysages états d’âme » mais il se trouve que les élèves avaient travaillé à partir de cette consigne deux jours plus tôt avec leur professeure, de sorte que j’ai eu la surprise de découvrir plusieurs textes débutant par « Demain, dès l’aube » alors même que je leur avais demandé d’écrire à partir d’extraits musicaux que j’ai diffusés, tous aussi éloignés que possible de Victor Hugo.
Une élève a fait remarquer à l’un de ses camarades qu’il y avait trop de répétitions dans le texte qu’il venait de nous lire. Je lui ai répondu qu’au contraire, la répétition créait une prosodie très intéressante. « Mais quand on fait des répétitions, les profs les soulignent, a protesté la jeune fille. Vous allez me perdre, Madame ». J’ai d’abord beaucoup ri mais ensuite j’ai mesuré la difficulté de faire sentir les subtilités de la répétition poétique à des jeunes gens qui ne lisent pas (et encore moins de la poésie, et encore moins de la poésie contemporaine) alors même que de nombreux essais très sérieux traitent du sujet sans épuiser la question. Les limites d’un atelier d’écriture se manifestent dans ce genre de moment : la poésie écrite par des non-lecteurs ne peut être que ludique, basée sur des trucs et des gimmicks à imiter, mais on est frustré de la voir ainsi réduite à un gadget, un dispositif à générer du texte sans que le fond soit forcément très consistant et sans que l’élève ait exprimé quelque chose qui lui tient vraiment à cœur. Je suis en pleine réflexion sur la manière de procéder à l’avenir, l’année me réservant encore quelques ateliers avec des jeunes gens.